Les troupes irakiennes se massent sur la base militaire de Qayyarah, à une heure au sud de Mossoul. On y achemine aussi des équipements, signe que l'offensive pour la reconquête du dernier grand bastion du groupe EI dans le pays est proche.
"Il est complexe de mener une opération militaire avec des civils qui sont pris en otage par l'EI", décrypte Pierre Servent, spécialiste de défense et de stratégie militaire, auteur de "Extension du domaine de la guerre", interrogé mardi dans l'émission Tout un monde de la RTS.
Il souligne le fait que Mossoul est une ville très vaste, qui abritait "encore deux millions d'habitants il y a deux ans, et environ 1,5 million actuellement".
Il est complexe de mener une opération militaire avec des civils qui sont pris en otage par l'EI.
"Il va falloir attaquer par tous les côtés, et toutes les forces irakiennes sont mobilisées: les Kurdes, qui attaqueraient au nord, les forces régulières irakiennes et les milices chiites, avec l'appui des Occidentaux", décrit le spécialiste.
Préparer "le jour d'après"
Or, à l'intérieur de la ville, "les combattants de l'EI ont eu le temps de se 'bunkériser'". Pierre Servent souligne l'énorme travail de renseignement opéré afin de localiser les positions du groupe islamiste.
Il faut déterminer qui va réellement libérer la ville, en fonction des antagonismes.
Mais l'opération de Mossoul doit faire face à des problèmes autant militaires que politiques, qui ralentissent son déploiement. "Il faut déterminer qui va réellement libérer la ville, en fonction des antagonismes", explique l'expert en stratégie militaire.
"Si l'on fait entrer les milices chiites dans la ville sunnite qui a soutenu l'EI, on risque des massacres. (...) Il faudrait que cela soit les tribus sunnites qui entrent dans la ville, ainsi il y aurait une homogénéité de religion", détaille-t-il, assurant que "le plus long à préparer, c'est le jour d'après".
Commandement irakien
Les négociations entre les parties irakiennes sont conduites par la France, pays qui "n'a pas commis le péché originel" d'avoir participé aux opérations de 2003 en Irak. "Les Américains, eux, restent détestés", ajoute encore le spécialiste.
Et si les Occidentaux vont amener un appui crucial au niveau aérien comme au sol, "il est important que le commandement vienne de Bagdad". "Les exemples de Ramadi ou de Falloujah ont montré que ce 'cercle vertueux militaire' était opérationnel", estime Pierre Servent.
Reste à savoir quelle stratégie sera adoptée par les combattants de l'EI face à l'assaut. "Se faire sauter pour faire un maximum de morts? Ou utiliser la seule voie de sortie à l'ouest?" avance Pierre Servent.
jvia
Crainte d'un "désastre humain"
Le HCR a indiqué toute fin septembre à Genève se préparer à aider au moins 700'000 personnes dans le besoin. Au total, plus d'un million de personnes pourraient être déplacées de la région, estime le représentant en Irak du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU Bruno Geddo, qui craint "l'un des pires désastres humains depuis de nombreuses années".
Les Nations unies prévoient une dizaine de camps stables pour au moins 6 mois ou un an pour 20'000 familles ou plus de 100'000 personnes tout autour de Mossoul.