Près de deux ans après sa libération, Theo Padnos reste en contact permanent avec ses anciens geôliers en Syrie, notamment via internet (lire encadré). Une relation presque intime à distance, qu'il partage aussi avec le FBI.
Depuis New York, où il s'est confié à la RTS, le journaliste exprime son incompréhension face aux Occidentaux qui envoient des armes à des combattants supposés modérés. "Au moment où ces armes arrivent en Syrie, soit celui qui les reçoit n'est pas vraiment modéré, soit il envoie ces armes à son cousin, qui est un extrémiste. Cela encourage la violence", explique-t-il.
Pour Theo Padnos il existe peut-être des combattants modérés en Syrie. Encore faut-il les trouver. "Après cinq ans de bombardements, peut-on encore être modéré lorsqu'on a vu sa famille tuée sous les bombes?", s'interroge l'ex-otage. Selon lui, ce sont les conditions de la guerre qui créent l'extrémisme.
"Le but des rebelles est le djihad éternel"
La solution, pour Theo Padnos, est de coopérer avec le régime syrien, afin de tenter de modérer ses hommes. "Avec eux, on peut discuter, alors qu'avec les djihadistes, c'est impossible", soutient celui qui devait négocier pour aller aux toilettes.
"Je sais comment les négociations se passent avec eux. Il ne s'intéressent qu'aux armes. Leur but est le djihad éternel. Ils aimeraient que le combat continue jusqu'à ce qu'ils arrivent à Jérusalem ou à Rome. Tandis que le but de Bachar al-Assad est de rester au pouvoir et d'avoir la paix. Même s'il opprime les gens, cela fait une grande différence", précise-t-il.
Certains rebelles ont été éduqués en Europe et parlent comme de vrais démocrates. Mais sur le terrain, avec nos armes, ils ne vont pas se comporter de façon démocratique.
Un régime sans pitié
Comment soutenir le régime syrien aujourd'hui, alors qu'Alep est bombardée et sa population civile matraquée? L'ex-otage reconnaît que le régime est sans pitié. "Ils aimeraient faire sortir les civils et bombarder ceux qui restent, mais beaucoup refusent de quitter leur maison et ceux qui meurent sont les plus vulnérables: les femmes et les enfants".
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Pour Theo Padnos, il suffirait de cesser de soutenir les rebelles pour que tout s'arrête. "Si Obama, Merkel et Hollande pouvaient convaincre les pays du Golfe d'arrêter d'envoyer des armes aux rebelles, on aura la paix demain en Syrie."
Propos recueillis par Philippe Revaz/fme
Craintes des velléités belliqueuses d'Hillary Clinton
Alors que l'élection du nouveau président américain s'approche, Theo Padnos se dit terrifié à l'idée d'une élection de Donald Trump, pour son côté imprévisible et ses violations de la Constitution, mais il partage son opinion sur la Syrie.
C'est justement le drame d'une grande partie de la gauche américaine, à l'image du philosophe Noam Chomsky, qui craint les velléités belliqueuses d'Hillary Clinton, mais qui ne peut pas décemment se rallier à Donald Trump.
Des relations ambiguës avec ses ex-geôliers
Theo Padnos est resté en contact étroit avec ses anciens ravisseurs. Deux après sa libération, il se souvient encore de la musique et du Coran. "Les chansons sont vraiment belles. Elles sont chantées pour encadrer et engendrer la loyauté des combattants."
Fredonnant un air qui parle du paradis, Theo Padnos explique que cette chanson est entonnée toute la journée, car les commandants veulent que les combattants se passionnent pour le paradis. C'est presque une chanson d'amour pour la mort."
Pour leur collègue qui a été tué durant le djihad, ils chantent: "Tu me manques tellement et je veux être à côté de toi. Donc je vais mourir bientôt et on sera de nouveau ensemble", traduit l'ex-otage, racontant avoir vu pleurer les combattant en chantant ces mélodies. "Pour moi, c'est un lavage de cerveau."