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"Déradicaliser un djihadiste? Illusoire, on n'est pas aux alcooliques anonymes"

Olivier Roy explique le lien entre mort et djihad
Olivier Roy explique le lien entre mort et djihad / L'actu en vidéo / 2 min. / le 13 octobre 2016
Olivier Roy, professeur à l'institut universitaire de Florence et spécialiste de l'islam, interrogé jeudi sur la RTS, estime que la fascination de la mort est une des clés de la radicalisation des jeunes.

Ni le terrorisme, ni le djihad ne sont des phénomènes nouveaux. Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est l'association du terrorisme et du djihadisme avec la quête délibérée de la mort, a expliqué Olivier Roy dans le Journal du matin.

"D'autres radicaux feraient autre chose que du terrorisme ou du djihad. C'est pour cela que je parle d'islamisation de la radicalité. Ce sont surtout des convertis, des jeunes en rupture et désormais des femmes qui se tournent vers Daech. Cela leur permet d'inscrire leur rupture nihiliste dans un récit du califat ou du djihad qui est le seul discours global aujourd'hui", précise l'auteur d'un livre intitulé "le djihad et la mort" qui paraît ce jeudi.

Si vous voulez faire la Une des journaux, rejoindre l'histoire, vous choisissez Daech, sinon si vous tuez votre voisin, c'est un fait divers.

Olivier Roy, politologue spécialiste de l'islam

Les jeunes radicalisés choisissent délibérément de s'inscrire dans ce récit islamique parce que c'est le seul sur le marché, explique encore le spécialiste de l'islam politique. Ni le nationalisme transformé en populisme, ni les actions d'une certaine extrême gauche ne répondent à l'envie de s'inscrire dans un récit plus large.

Fascination mortelle

Et la mort fait partie intégrante de leur engagement. "Ils savent qu'ils vont mourir, et ils le font même quand ils savent que ce n'est pas utile. Ils sont simplement persuadés qu'ils iront au paradis", insiste Olivier Roy.

Ces jeunes radicalisés, fascinés par la mort, se voient offrir une caution de leur nihilisme par Daech. Ils n'ont pas besoin de connaître sérieusement le Coran ou de se plier aux cinq prières par jour puisque leur but ultime est de mourir. "Mais ce ne sont pas des drogués ou des excités, ils font ce choix délibérément".

"Je ne crois pas aux soins médicaux"

Olivier Roy affirme sur les ondes de la RTS ne pas croire à la possibilité de déradicaliser ces djihadistes, "sauf peut-être des gens très jeunes, de 14-15 ans".

"Ce n'est pas une pathologie mais un choix délibéré. Les gens qui ont attaqué le Bataclan par exemple sont des militants durs. Je ne vois pas comment on pourrait les déradicaliser", poursuit-il.

Aidez-moi docteur, chaque fois que je passe devant un café j'ai envie de tirer... ça ne marche pas comme ça. Je ne crois pas aux soins médicaux pour les radicaux.

Olivier Roy, politologue spécialiste de l'islam

Le politologue estime qu'il faut plutôt pousser les radicalisés à se positionner dans un discours politique mais que, même si des gens fragiles psychologiquement peuvent être plus sensibles à ces discours, ce n'est pas des soins médicaux qui vont changer la donne.

Laïcité à tous les étages

Le problème provient aussi, en France, du fait de vouloir mettre de la laïcité à tous les étages. "En chassant le religieux, en l'expulsant par la fenêtre, il va revenir sous une autre forme et de façon violente. Diaboliser le religieux, c'est la pire chose à faire", note encore Olivier Roy, qui précise que la laïcité ne peut pas être une idéologie fondatrice de la société puisqu'elle se construit en opposition à un "ennemi".

Le public et les autorités ont aussi tendance à rapporter toutes les formes d'incivilités des jeunes maghrébins à du religieux - "ils lancent des pierres, ils lapident forcément" -  alors que la plupart du temps il n'y a pas de lien.

sbad

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Salafisme et radicalisme pas liés

Les jeunes radicaux ne sont pas d'abord des salafistes qui vont à la mosquée, explique Olivier Roy. "Mais cela ne veut pas dire que le salafisme ne pose pas de problème. Car, cela reste une religiosité de rupture. Il y a un refus d'intégration, de s'adapter à la culture occidentale, donc il n'y a pas de possibilité de dialogue".