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Duplicité et calcul politique, ce que révèle Wikileaks sur Hillary Clinton

Les e-mails rendus publics par Wikileaks contribuent au manque de popularité d'Hillary Clinton aux Etats-Unis. Beaucoup d'Américains la voient comme une femme calculatrice, plus proche des élites que des citoyens ordinaires. [key - AP Photo/Matt Rourke]
Les e-mails rendus publics par Wikileaks contribuent au manque de popularité d'Hillary Clinton aux Etats-Unis. Beaucoup d'Américains la voient comme une femme calculatrice, plus proche des élites que des citoyens ordinaires. - [key - AP Photo/Matt Rourke]
Wikileaks dévoile chaque jour depuis début octobre des e-mails volés à l'équipe de campagne de Hillary Clinton. Des révélations susceptibles de renforcer la défiance de l'électorat à l'égard de la candidate démocrate.

Depuis le 7 octobre, et malgré la coupure d'internet imposée à son fondateur Julian Assange lundi, le site Wikileaks rend publics chaque jour des milliers d'e-mails personnels piratés du président de l'équipe de campagne de Hillary Clinton, John Podesta.

>> Lire : La connexion internet du fondateur de Wikileaks a été coupée

Julian Assange a promis des révélations continues d'ici à l’élection présidentielle américaine du 8 novembre, assurant avoir à sa disposition plus de 50'000 messages électroniques. Aperçu des principales révélations à ce jour.

Des liens étroits avec Wall Street

L'essentiel de cette fuite de documents porte sur la retranscription des conférences que Hillary Clinton a données devant des banques d'affaires en 2013 et 2014, un secret que la démocrate gardait jusque-là farouchement.

Lors de ces interventions privées très lucratives - qui lui ont rapporté au total près de 22 millions de dollars - la candidate se montre bien plus accommodante avec le monde de la finance que ne le laisse penser sa position officielle. Lors d'une conférence en octobre 2013, elle se félicite d'ailleurs des "excellentes relations" qu'elle entretenait avec Wall Street en tant que sénatrice.

Derrière les portes fermées d'établissements tels que Goldman Sachs ou JP Morgan, elle se garde de faire porter aux banques la responsabilité de la crise financière de 2008. Celle qui, en public, appelle à réguler le secteur, suggère en privé que personne n'est mieux placé pour orchestrer la réforme que les acteurs financiers eux-mêmes.

Position privée, position publique

Dans ces e-mails, la candidate démocrate à la Maison Blanche assume sa duplicité, arguant que les politiciens se doivent d'avoir une "position publique et une position privée" sur certains sujets pour des négociations fructueuses. Elle évoque encore la nécessité de "doser idéologiquement" ses discours pour satisfaire le plus grand nombre.

Sur la question du commerce international, la démocrate semble bien avoir deux avis. Face aux banquiers, elle se dit en faveur d'un "commerce et de frontières ouverts", affirme rêver d'un "marché commun global" fondé sur le libre-échange. Une position sur laquelle elle est revenue durant sa campagne face au discours protectionniste de son adversaire Donald Trump, prenant même position contre un vaste traité de libre-échange commercial.

De même, rappelle The Intercept, Hillary Clinton donne officiellement l'impression d'être opposée à la fracturation hydraulique. Pourtant les e-mails piratés révèlent qu'elle s'est félicitée, lors d'une conférence à la Deutsche Bank en 2013, d'avoir fait la promotion de cette technique de forage controversée "dans divers endroits du monde" en tant que secrétaire d'Etat.

"Realpolitik" et culture du secret

Les messages divulgués démontrent l'adhésion de Hillary Clinton à la "realpolitik". Dans un message relatif à la stratégie américaine au Moyen-Orient, Hillary Clinton écrit ainsi en 2014 ce que l'administration Obama a toujours nié, à savoir que le Qatar et l'Arabie saoudite, alliée des Etats-Unis depuis 70 ans, "fournissent un soutien financier et logistique au groupe Etat islamique et d'autres groupes sunnites radicaux". Selon la démocrate, il faut utiliser la diplomatie et le renseignement pour faire pression sur ces gouvernements.

Lors d'une conférence à Goldman Sachs en 2013, elle affirme avoir été favorable à une intervention américaine "la plus secrète possible" en Syrie, tout en regrettant que les Etats-Unis soient "moins bons dans le domaine [des opérations clandestines] qu'auparavant".

L'ex-secrétaire d'Etat fait encore savoir que les Etats-Unis ont menacé d'entourer la Chine de missiles de défense si Pékin ne fait pas davantage pour freiner le programme de missiles nord-coréen.

Une candidate éloignée de la réalité des citoyens

Enfin, les courriels piratés donnent l'impression générale d'une candidate - ex-First Lady - proche des élites, ayant fréquenté les arcanes du pouvoir durant des décennies, et de ce fait très éloignée des préoccupations des citoyens.

En public, elle assure avoir de l'empathie pour les Américains de la classe moyenne dont elle assure être un "pur produit". Et pourtant, elle admet dans l'un de ses messages être déconnectée à cause de "la vie qu'elle mène et de la fortune dont son mari et elle bénéficient". Et de déplorer que l'opinion ait du mal à comprendre "les gens qui ont mené une vie couronnée de succès".

Des révélations éclipsées par les scandales de Trump

A ce jour, les fuites de Wikileaks ont été relativement éclipsées par les scandales dans lesquels le candidat républicain Donald Trump est empêtré, et Hillary Clinton dispose encore d'une confortable avance dans les sondages.

Mais ce flux continu de petites révélations pourrait aussi être dévastateur pour la réputation de la démocrate. Elles mettent en lumière les secrets de campagne peu flatteurs d'une candidate à qui les accusations d'opacité collent à la peau. Désormais, les candidats misent sur le fait que celui qui aura été le moins discrédité sera élu.

Pauline Turuban

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La Russie impliquée?

Des accusations parlent de documents falsifiés mais cela n'a à ce jour pas été établi, et l’équipe de campagne d'Hillary Clinton n'a pas contesté l’authenticité des e-mails divulgués.

Elle accuse en revanche Wikileaks de vouloir influencer l'issue de l'élection en faveur de Donald Trump, et le gouvernement russe d’être à l'origine des fuites dans le même but. Une thèse partagée par l'administration Obama, mais qui n'a pour l'heure pas été prouvée et a été niée par Moscou.