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Les citoyens utilisent les référendums pour sanctionner les pouvoirs en place

Le drapeau européen flottant devant le fameux Big Ben de Londres. [Paul Hackett]
Les pièges du référendum pour les gouvernements européens / Tout un monde / 5 min. / le 19 octobre 2016
Rares sont les référendums où les électeurs répondent vraiment à la question posée. Il existe souvent une question cachée derrière le bulletin de vote, celle de la confiance que le peuple accorde ou non à son gouvernement.

De nombreux dirigeants européens ayant proposé des référendums pour asseoir ou confirmer leur politique se sont fait piéger parce que la population n'a pas voté comme ils l'espéraient. David Cameron avec le Brexit, Viktor Orban en Hongrie avec les migrants, Juan Manuel Santos en Colombie avec l'accord de paix sur les FARC. Le 4 décembre, les Italiens devront eux se prononcer sur la réforme constitutionnelle de Matteo Renzi.

Si le référendum fait partie intégrante du système politique en Suisse, il en va tout autrement dans les pays qui n'utilisent que très rarement cet outil. C'est là que réside le plus grand risque de manipulation, selon Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à l'université Paris 8, au micro de Tout un Monde sur RTS La Première.

"Au-delà de la question posée, ce qui importe le plus finalement est l'approbation ou la désapprobation du pouvoir en place. Cette caractéristique me semble être le péril majeur aujourd'hui", estime le professeur.

Perte de crédibilité

Certains chefs d'Etat ont d'ailleurs fait les frais de référendums brandis comme une véritable sanction, à l'instar de David Cameron, qui a démissionné, et qui restera dans l'histoire comme le Premier ministre ayant provoqué la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Pourquoi dès lors les chefs d'Etat continuent-ils de convoquer le peuple? Pour Yves Sintomer, c'est le résultat d'une perte de crédibilité de la politique traditionnelle reposant uniquement sur les élections. Elle pousserait les acteurs à chercher d'autres instruments pour légitimer le système politique en place, voire leur propre politique.

Saisis par le national-populisme en Europe

Pour le professeur, cet instrument devrait s'accompagner d'une réforme plus large du système politique dans les pays où la démocratie fonctionne mal, au risque qu'il soit mal utilisé, voire orienté par des courants extrêmes.

Sans y voir forcément une corrélation avec la montée des populismes en Europe, Yves Sintomer constate que le national-populisme en Europe se saisit largement de l'outil référendaire pour essayer de "bousculer les élites politiques classiques". L'extrême droite européenne aurait saisi ce tournant depuis 10 ou 15 ans déjà.

Attention toutefois à ne pas se focaliser que sur l'arbre qui cache la forêt. Le professeur précise que le nombre de référendums a beaucoup augmenté depuis deux ou trois décennies, autour de sujets qui ne sont pas forcément médiatisés à l'étranger. Les référendums suisses, par exemple, ne sont connus à l'étranger que lorsque le résultat dérange, auscultant tous les autres, qui permettent un fonctionnement réglé de la démocratie.

fme

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