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"Molenbeek: génération radicale", film sparadrap sur une ville en souffrance

A Molenbeek, près d'un habitant sur deux (48%) se dit musulman. [Reuters - Francois Lenoir]
A Molenbeek, près d'un habitant sur deux (48%) se dit musulman. - [Reuters - Francois Lenoir]
Un an après les attentats de Paris, les habitants de Molenbeek, une commune de Bruxelles d'où venaient plusieurs terroristes, brisent le silence sur leur réalité quotidienne dans un documentaire diffusé lundi par la RTS.

Partir loin, traverser le canal. Le rêve de la jeunesse de Molenbeek, cette commune de Bruxelles mondialement connue depuis les attentats de Paris le 13 novembre 2015.

En plongeant leur caméra dans les rues de la deuxième commune la plus pauvre de Belgique, les réalisateurs de "Molenbeek: génération radicale", Chergui Kharroubi et José-Luis Peñafuerte, voulaient approcher l'humain derrière les façades. Montrer que cette ville ne pouvait pas être réduite à un "nid du djihadisme européen". Pour cela, ils ont choisi de donner la parole à ceux qui se taisaient jusqu'ici: les acteurs sociaux et culturels, "ceux qui comblent les brèches que les acteurs publics négligent", comme ils disent.

C'est réussi. A travers le regard de Fouad, Ben ou Kamel, on palpe le désarroi. Celui des 15-30 ans d'abord, une génération "radicale" (et pas radicalisée!), dans une ville où le taux de chômage des moins de 25 ans avoisine 45%. "Radicale, c'est une attitude adoptée par des jeunes très conscients que leurs grands frères se sont fait avoir par le système et qui ne veulent pas subir la même discrimination", précise un des deux réalisateurs, José-Luis Peñafuerte, à la RTS.

Deal, djihad et théorie du complot

Quand un CV estampillé 1080, le code postal de Molenbeek, est destiné à la poubelle, les perspectives d'avenir se restreignent pour des jeunes souvent issus de l'immigration, et le deal comme le djihad deviennent des options, rappelle le documentaire.

"Si on me dit maintenant je suis sûr à 1000% que si je fais le djihad, si je m'explose, j'irai au paradis, qui n'irait pas?", s'interrogent des jeunes filmés lors d'une réunion. Une autre participante se demande si ce qu'elle entend à la télévision sur le 11-Septembre et Oussama Ben Laden est vrai... Pour leur répondre, des éducateurs, un animateur culturel, un imam ou même un ancien prisonnier de Guantanamo. Plusieurs d'entre eux sont musulmans et défendent une vision moderne de l'islam, compatible avec les valeurs démocratiques.

Engagés sur un même bateau, celui de la lutte contre la fatalité, un vrai travail de fourmi, ils livrent leurs avis, sans concession, sur la situation à Molenbeek et comment on l'a laissé pourrir depuis des décennies.

A travers eux, l'arrestation de Salah Abdeslam, suspect numéro un des attaques de Paris, et les attentats de Bruxelles, survenus pendant le tournage, prennent un autre relief. Celui d'une communauté musulmane qui résiste à ce qu'elle appelle le "fascisme islamiste" qui tente de happer une jeunesse désorientée.

Ce schéma touche tous les quartiers populaires d'Europe. Si on ne veut pas alimenter des frustrations, il y a urgence

José-Luis Peñafuerte, réalisateur

"On ne connaît pas cette jeunesse tiraillée, sans cesse prise entre deux feux. La  théorie du complot est omniprésente", s'inquiète José-Luis Peñafuerte. "L'Europe devrait être concernée par cette problématique. Ce qui s'est passé à Bruxelles, ça peut arriver ailleurs. Ce schéma touche tous les quartiers populaires. Si on ne veut pas alimenter des frustrations, il y a urgence", insiste ce Belge d'origine espagnole qui dénonce les coupes budgétaires imposées à Molenbeek (voir encadré).

Discussions, ateliers théâtre ou photo, visites dans le quartier, il suffit parfois de peu pour faire basculer le destin, démontre le documentaire. Et quand un adolescent réalise, en pleine visite du MIMA, le nouveau musée d'art contemporain de Molenbeek, qu'"en art tu fais ce qu'il te plaît", on se dit que tout n'est pas perdu et qu'on peut encore rêver. Même sans franchir le canal.

>> Documentaire diffusé lundi à 20h35 sur RTS Deux

Juliette Galeazzi

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Molenbeek obligée de se serrer la ceinture malgré le contexte

Les finances de la commune de Molenbeek sont dans le rouge, et la ville a été mise sous tutelle afin d'assainir les comptes. Cette année encore, les autorités devront réaliser un effort de 2,7 millions d'euros, imposé par la région bruxelloise, annonçait RTBF en juillet dernier.

Les écoles, le Centre public d'action sociale (CPAS) mais aussi l’association sans but lucratif Lutte contre l'exclusion sociale à Molenbeek risquent par conséquent de voir leur budget réduit, parfois fortement.

Alors que Molenbeek sort de plusieurs mois particulièrement compliqués, cette situation est dénoncée par les réalisateurs de "Molenbeek: génération radicale" et plusieurs intervenants du documentaire.