Epicentres de longs conflits, les villes cristallisent les premiers besoins des populations au moment de la reconstruction. Et on ne sait souvent pas par où commencer pour redonner vie à ces lieux dévastés par les bombes et les combats.
Interrogé dans l'émission de la RTS Tout un monde, François Grünewald, du groupe Urgence Réhabilitation Développement et auteur de l'ouvrage "Guerres en villes et villes en guerre", la reconstruction dépasse la simple question de l'urbanisme et est presque avant tout économique et sociale.
Première phase: la sécurisation
A la fin d'un conflit, la première urgence est sécuritaire. Les mines non explosées et les immeubles qui menacent de s'effondrer doivent être localisés. Il faut parfois raser ce qui reste debout, même si c'est délicat. Un travail de décontamination doit aussi être effectué rapidement.
Ensuite, il faut faire face à l'insécurité qui demeure malgré d'éventuels accords. Attentats et snipers restent souvent de mise durant de longs mois. Et la criminalité est généralement exacerbée après un conflit. Gérer la sécurité consiste donc à gérer cette violence.
Deuxième phase: le bâti et le tissu économique
Quand les bombardements s'arrêtent, il faut évidemment que les populations retrouvent un toit, mais elles doivent aussi et surtout retrouver un travail, explique François Grünewald. Remettre en place une économie qui fonctionne est aussi important que la reconstruction physique et les deux processus ne doivent pas être linéaires mais complémentaires.
L'idée est de mettre en place un réseau de reconstruction qui associe tous les flux de la ville, que ce soit l'économie, le social, les énergies, la gestion de l'eau, l'assainissement. "Car un bâti qui ne s'insère pas dans une réflexion (...) restera vide", assure le chercheur.
Le travail est aussi important que le bâti
Et ce travail doit absolument prendre en compte l'histoire des lieux. Pour pérenniser la paix, il faut se baser sur ce qui existait avant la destruction. Prenant l'exemple du souk d'Alep, François Grünewald espère que le nouveau souk, même s'il sera modernisé, ne trahira pas l'esprit et la culture du vieil Alep, sinon ce sera un échec.
Troisième phase: l'invisible
Pour le chercheur, c'est aussi dans l'invisible que se cache le plus important et aussi le plus difficile à reconstruire. Le tissu social, les institutions et la confiance sont difficiles à rétablir. Et atténuer le stress post-traumatique est long et délicat.
Mais là aussi il faut se baser sur ce qui existe déjà, notamment sur ceux qui ont maintenu un semblant d'organisation durant les bombardements. Puis il faut combattre la haine et la rancoeur soulevées par la guerre.
Le grand enjeu, conclut François Grünewald, consiste donc à trouver des points de convergence entre des communautés déchirées par les conflits. La gestion des ressources permet souvent une collaboration rapide, et en premier lieu la remise en place de la distribution de l'eau, essentielle dans les zones arides. Cette gestion relance des discussions entre camps anciennement rivaux. "Il faut redonner aux gens un intérêt à se parler", estime-t-il.
boi