"Le journalisme en Turquie, c'est terminé", a lancé Erol Önderoglu jeudi dans l'émission Forum. "Avec l’état d’urgence, on a mis fin à la profession... Ce sont des activités bannies dans la culture", a-t-il expliqué, alors que des dizaines de journalistes ont été incarcérés et que plus de 150 titres ont été contraints de stopper leurs activités.
Attendant lui-même son procès en Turquie, qui doit s'ouvrir mardi prochain, l'homme rappelle que le gouvernement a saisi le prétexte de la tentative de putsch pour consolider davantage son pouvoir, renforcer son contrôle sur les médias publics turcs et mettre à pied les médias d'opposition.
"L'UE doit être ferme avec la Turquie. Il s'agit de centaines de milliers de citoyens concernés par ces mesures."
"Vu l'impact de la menace, le gouvernement peut évoquer des opérations de grande envergure pour déterminer les cercles impliqués dans le coup d’Etat manqué. Mais il faudrait faire une claire distinction entre ceux qui sont impliqués et ceux qui ne le sont pas. Et protéger les journalistes qui défendent les droits de l’homme", a-t-il regretté.
Aussi, Erol Önderoglu appelle l'Union européenne a prendre ses responsabilités: "L'UE doit être ferme avec la Turquie. Il s'agit de centaines de milliers de citoyens concernés par ces mesures."
"J'assisterai aux audiences"
L'état d'urgence a par ailleurs contraint des dizaines de ses confrères à quitter le pays, étant donné les menaces imminentes de condamnation. "Aujourd'hui, je vois qu'il est des plus en plus difficile non seulement d’exercer le journalisme, mais aussi de fonctionner en tant que société civile ou en tant que défenseur des droits humains.", relève Erol Önderoglu.
Le reporter ne songe pourtant pas automatiquement à s'exiler de Turquie, malgré le risque d'écoper de 14 ans de prison. "Tant que la pression a une dimension personnelle, je suivrai mon procès et j'assisterai aux audiences… J'essaierai de le faire jusqu'au bout. Mais on a tous une famille, et ils ont déjà pas mal souffert lorsque j'ai été une première fois incarcéré..."
"Je suis pour la première fois en 20 ans exposé à la prison. Le risque de me voir condamner n’est pas écarté puisque je ne m’attends à rien par rapport à la justice turque. Mais je lutterai jusqu'au bout pour revendiquer mes droits et dire que ce que j’ai fait relève d’un travail légitime pour protéger le pluralisme des médias en Turquie", conclut-il.
jzim
"Tous les sujets qui peuvent fâcher ont été abordés", explique Didier Burkhalter
La situation en Turquie et dans les pays voisins a également été l'objet de discussions animées entre Didier Burkhalter et son homologue turc Mevlüt Cavusoglu jeudi à Berne. Reconnaissant l'existence de divergences, le Suisse a insisté sur une poursuite du dialogue avec Ankara.
L'état d'urgence instauré en Turquie après le coup d'Etat manqué de l'été dernier a notamment été abordé "en détail", a dit Didier Burkhalter, en particulier quant à sa durée et à l'application de "la proportionnalité". Le ministre suisse a insisté sur la nécessité de respecter les droits fondamentaux.
Les deux hommes ont également évoqué le débat actuel sur la réintroduction de la peine de mort en Turquie. Pour Didier Burkhalter, une telle réintroduction "ne constituerait pas une contribution effective à la lutte contre la violence".
En aparté, il a insisté sur l'importance de donner des arguments à ceux en Turquie qui, à l'instar de son hôte, ne sont pas pour la réintroduction de ce châtiment, plutôt que de menacer Ankara "de l'extérieur".
L'interview de Didier Burkhalter dans Forum