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"Trump s'est donné les moyens pour torpiller l'Agence de protection de l'environnement"

Dominique Bourg, philosophe et professeur à l'Université de Lausanne. [RTS - Alexandre Chatton]
L'invité de la rédaction - Dominique Bourg / Le Journal du matin / 21 min. / le 14 novembre 2016
L'une des priorités de Donald Trump sera de sortir de l'accord de Paris sur le climat et d'abolir l'Agence américaine de protection de l'environnement. Le philosophe Dominique Bourg craint un retour aux énergies archaïques.

Sortir de l'accord de Paris sur le climat (COP 21) et torpiller l'Agence de protection de l'environnement américaine (EPA) figuraient parmi les promesses de Donald Trump durant sa campagne. Et pour prouver son engagement pour le courant climato-sceptique, le nouveau président élu vient de nommer Myron Ebell, climato-sceptique notoire, pour diriger l'équipe de transition de l'EPA.

"George Bush avait tenté d'atteindre l'EPA, mais Trump, lui, a vraiment l'idée de la supprimer", relève l'invité du Journal du matin Dominique Bourg, professeur à la faculté des géosciences et de l'environnement de l'Université de Lausanne.

Selon ce spécialiste du climat, Donald Trump aurait toute la légitimité nécessaire: "Sur l'aspect climatique, il est dans le prolongement d'une partie de l'establishment républicain". Cela lui donnerait un certain crédit, avec derrière lui la Cour suprême et une majorité au Congrès, prêts à l'appuyer pour détruire un certain nombre d'éléments pour la protection de l'environnement, mis en place par l'administration Obama.

La COP 21 dénoncée

Parmi eux, l'accord décisif de Paris, signé par 195 pays et dont l'objectif était de limiter le réchauffement mondial entre 1,5 °C et 2 °C d'ici 2100. "Comme dans tout traité, il y a un article, qui permet d'en sortir", explique Dominique Bourg, qui craint un effet de contagion. "Heureusement, la Chine a déjà dit qu'elle n'en sortira pas. Sinon, on serait descendu du quorum, qui aurait pu casser l'accord. Mais les Chinois ont des raisons internes, en termes de pollution, pour sortir le plus tôt possible de l'énergie carbone."

Le philosophe craint toutefois un effet d'entraînement, avec "une vague de droite très dure en Europe. Qu'arrivera-t-il si ces gens, qui ne sont généralement pas très attentifs à l'aspect scientifique des choses, ni au bien public, arrivent au pouvoir dans plusieurs pays?"

Pour l'instant, l'élection de Donald Trump a déjà eu un impact, du moins moral, sur les négociations de la COP 22, débutées lundi à Marrakech. "Le climat politique actuel fait qu'elles n'ont pas terriblement avancé."

>> Lire sur ce sujet : Les peuples du Sud marchent pour la justice climatique à la COP22

Le retour au charbon

Au-delà de la sortie symbolique de la COP 21, le philosophe craint une tendance bien plus grave aux Etats-Unis: "le retour au charbon et à la sidérurgie, le refus des renouvelables, l'indifférence totale au numérique et à ces défis. C'est une espèce de coup de balancier en arrière."

Comment expliquer un tel soutien au climato-scepticisme? "Aux Etats-Unis, il y a eu un effort depuis longtemps, par un certain nombre de lobbies connus, d'instiller le doute sur la question du changement climatique. Des centaines de millions de dollars ont été dépensés pour ce faire. C'est un fait qui a été documenté."

Ce courant sceptique aurait notamment permis à Donald Trump une certaine crédibilité auprès de l'électorat républicain, même lorsqu'il affirmait, il y a quelque mois, qu'il n'y avait pas de sécheresse en Californie.

fme

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