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Un centre de déradicalisation ouvert au plus près des combats en Syrie

La région de Minjeb se situe entre la frontière turque et la ville de Raqqa. [Rodi Said]
Ouverture d'un centre de déradicalisation à la frontière turque / Tout un monde / 9 min. / le 22 novembre 2016
Un centre de déradicalisation tenu par des rebelles a ouvert dans le nord de la Syrie. Mais la peur des infiltrés de l'EI y reste présente, raconte une journaliste française qui a rencontré ses responsables.

"Il y a de plus en plus de combattants, mais aussi des femmes, qui essaient de quitter le groupe Etat islamique (EI) au fur et à mesure que l'étau se resserre sur la ville-clé de Raqa", explique mardi dans Tout un monde la correspondante du Figaro au Moyen-Orient Delphine Minoui.

Elle a rencontré le responsable du premier centre de déradicalisation ouvert à Reyhanli, dans le nord de la Syrie, sur la frontière turque. Il est géré par une brigade de l'Armée syrienne, mouvement rebelle qui se bat à la fois contre le régime de Bachar al-Assad et contre l'EI.

Refus d'une assistance extérieure

Selon la journaliste, le centre est un petit village qui accueille depuis avril une soixantaine de déserteurs de l'EI. Les exploitants insistent sur le fait qu'il s'agit d'un centre de détention et non d'une prison, qui offre l'appui de juristes, mais aussi un suivi psychologique et théologique.

Difficile pour l'heure d'en évaluer les résultats, mais les rebelles constatent "un adoucissement dans la rhétorique" des pensionnaires.

Les rebelles ont-ils les compétences pour tenir un tel centre? "Ils sont obligés d'improviser (...) On est à l'école de la survie", estime Delphine Minoui, qui ajoute que la brigade refuse toute assistance, y compris financière. "Ils ne veulent pas d'intervention étrangère. Ils ont peur d'être étiquetés par l'EI comme des espions des Etats-Unis et de l'Europe", rapporte la journaliste.

Peur des infiltrés

"La peur, c'est que les déserteurs soient des infiltrés qui continuent d'agir pour la cause de l'EI et envisagent de commettre des attentats sur le territoire syrien, ou attendent d'être expulsés en Europe pour attaquer depuis l'extérieur", ajoute Delphine Minoui.

Quels sont les intérêts des rebelles syriens derrière cette initiative? Delphine Minoui assure qu'"il y a une volonté sécuritaire, de lutter contre la propagande de l'islam radical". Elle reconnaît toutefois que, dans des initiatives individuelles lors de la libération de villes, les rebelles "peuvent recruter les combattants qu'ils arrêtent pour se battre avec eux, s'ils arrivent à les détacher de l'idéologie de l'EI".

Une piste avant les retours de djihadistes en Europe?

Reste que la déradicalisation au plus près des combats est vue par certains comme une piste pour déjouer en amont la menace des retours massifs de djihadistes en Europe. "Désamorcer les tensions depuis le territoire syrien permet de mieux comprendre qui sont les déserteurs, et ainsi éviter des attentats", appuie Delphine Minoui.

jvia

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