L'enjeu pour les deux anciens Premiers ministres est crucial puisque le futur champion de la droite sera, selon les sondages, bien placé pour l'emporter au second tour de la présidentielle en mai, quel que soit l'adversaire.
Alain Juppé a ouvert les hostilités dès la question préliminaire. Tutoyant François Fillon, le maire de Bordeaux a souligné avoir de "l'estime" pour celui qu'il connaît "depuis bien longtemps" mais avoir "été un peu surpris par la virulence" de ses réponses lors des débats.
François Fillon défend son projet "radical"
François Fillon a assumé son projet libéral qualifié de "brutal" par son rival et manifesté le souhait d'agir rapidement. "Notre pays est au bord de la révolte. (...) Si nous ne sommes pas capables de faire bouger les choses dans les trois premiers mois, les Français se détourneront de la politique et nous risquons de voir les extrémismes gagner", a-t-il estimé.
"Entre le 1er juillet et le 30 septembre", soit les 100 premiers jours du quinquennat, François Fillon a dit vouloir, entre autres, alléger le code du travail, porter l’âge de la retraite progressivement à 65 ans, créer une allocation sociale unique et supprimer la durée légale du travail. "Les 35h ont fait de vrais dégâts. (...) Il faut négocier une augmentation du temps de travail pour l’ensemble des Français", a-t-il martelé.
Pour les 100 premiers jours, Alain Juppé a pour sa part proposé de mettre notamment l'accent sur la réforme des retraites et du code du travail, ainsi que sur l'apprentissage.
Passe d'armes sur le temps de travail des fonctionnaires
Les deux candidats républicains se sont franchement opposés sur la durée hebdomadaire du travail dans la fonction publique, François Fillon envisageant de faire passer les fonctionnaires à 39 heures hebdomadaires payées 37. Face aux réserves d'Alain Juppé, François Fillon l'a accusé de ne pas vouloir "vraiment changer les choses".
Plus tard dans la soirée, les deux candidats ont convergé sur la question de la flexibilisation des licenciements. Au journaliste David Pujadas, qui lui demandait s'il prônait une société du "tous virables", François Fillon a répondu: "Il faut un contrôle bien sûr, mais croire que durcir les conditions du licenciement c'est protéger les salariés, c'est exactement le contraire." Son rival a renchéri: "Ce n’est pas en rigidifiant les conditions de licenciement qu’on facilite l’embauche."
Opposition sur le système de santé
Les deux candidats s'opposent principalement sur leur vision du modèle social français, Alain Juppé prévoyant des réformes jugées plus modérées que celles souhaitées par l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Sur le thème de la sécurité sociale en particulier, les deux finalistes n'ont pas caché leurs divergences. Alain Juppé a attaqué François Fillon: "Je ne toucherai pas au taux de remboursement dont bénéficient les Français. François propose de monter une franchise universelle qui s'appliquerait à tous les Français, à condition de revenus."
François Fillon a en effet assumé sa volonté de "désétatiser le système de santé" en focalisant "l'assurance publique universelle sur des affections graves ou de longue durée, et l'assurance privée sur le reste", tout en mettant en place "un bouclier de santé pour que les personnes à revenu modestes ne soient pas concernées par cette obligation".
Les deux adversaires se sont encore opposés sur leur vision de la France multiculturelle.
François Fillon jugé "plus convaincant" qu'Alain Juppé
A l'issue du débat, François Fillon a été jugé jeudi plus convaincant que son rival Alain Juppé par 57% des Français, selon un sondage Elabe diffusé par BFM TV, effectué par internet auprès de 908 téléspectateurs âgés de 18 ans et plus.
Parmi les électeurs de droite et du centre, ils ont été 71% à estimer plus convaincant l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, contre 28% pour Alain Juppé.
ptur/agences
François Fillon rappelle en filigrane la condamnation de son rival
Le journaliste de TF1 Gilles Bouleau a posé une question sur l'"exigence de probité" qu'ont les Français vis-à-vis de leurs politiciens. Sur ce point, François Fillon s'est montré intraitable: "On ne peut pas diriger la France si on n’est pas irréprochable. (...) Les ministres et le Président de la République ne doivent pas être mis en examen. (...) L’expérience qui est la mienne montre qu’on ne peut pas diriger sereinement un ministère si on a une suspicion sur le dos", a-t-il martelé, semblant adresser une pique à son adversaire, condamné en 2004 dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.
Ce dernier a evoqué cette condamnation de manière ouverte. "J’ai assumé, j’ai payé, les Français m’ont renouvelé leur confiance. Pour l’avenir, (...) je veillerai à une stricte application des textes", a assuré le maire de Bordeaux.
Climat électrique dans l'entre-deux-tours
Pour rattraper son retard au premier tour de la primaire dimanche, Alain Juppé a attaqué tous azimuts son concurrent dans l'entre-deux-tours: il a demandé à son adversaire de justifier ses positions sur l'avortement et critiqué "sa vision extrêmement traditionaliste, pour ne pas dire un petit peu rétrograde", de la société.
Il a mis en cause la crédibilité et la "brutalité" de son programme "ultra-libéral", qui prévoit notamment la suppression de 500'000 postes de fonctionnaires. Il lui a également reproché "une complaisance excessive vis-à-vis de Poutine" et un afflux de "soutiens d'extrême droite".
"Jamais je n'aurais pu penser que mon ami Alain Juppé tombe aussi bas", lui a rétorqué François Fillon. "Je suis gaulliste, de droite, voilà tout. Il n'y a aucune raison de marcher à l'ombre", a-t-il insisté dans le Figaro.