Modifié

"François Fillon n'est pas le plus apte à rassembler au-delà de son parti"

François Fillon lors d'un meeting dans le sud-ouest de la France le 22 novembre 2016. [AFP - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK]
François Fillon lors d'un meeting dans le sud-ouest de la France le 22 novembre 2016. - [AFP - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK]
Pour Romain Lachat, chercheur suisse spécialiste du comportement électoral, la droite a joué à quitte ou double en se choisissant pour candidat à la présidentielle François Fillon, une figure conservatrice qui pourrait rebuter les plus modérés.

RTSinfo: Quelles franges de l’électorat François Fillon a-t-il su séduire pour s’offrir une victoire si nette à la primaire de la droite?

Romain Lachat: François Fillon a rassemblé un électorat de droite assez traditionnel, conservateur sur les valeurs morales et les enjeux liés à la famille. Un électorat également plus marqué à droite que celui d’Alain Juppé d'un point de vue économique.

S'il n’y avait pas de différences énormes dans les programmes des deux finalistes, celui d'Alain Juppé était quand même teinté d'une sensibilité plus centriste. Il y a dans le discours de François Fillon quelque chose qui se rapproche plus d’une "vraie" politique de droite dite décomplexée.

RTSinfo: Les prédécesseurs et rivaux de François Fillon ont-ils sous-estimé l’importance de l’électorat conservateur?

R. L.: Les élections se gagnent souvent au centre, c’est pourquoi les candidats font habituellement des appels du pied aux électeurs qui pourraient hésiter entre le candidat de gauche et celui de droite. Toutefois cette année la situation est différente, dans la mesure où, pour la première fois, on considère presque comme acquis que Marine Le Pen (Front national) sera au second tour.

Beaucoup de choses peuvent encore se passer d'ici là et le choix des candidats de la gauche sera bien sûr déterminant. Mais si l'on reste dans la configuration actuelle, où la gauche ne semble pas en mesure de se placer parmi les deux finalistes au premier tour de la présidentielle, l'électorat conservateur, catholique, pourrait devenir une frange de l’électorat plus déterminante pour définir les stratégies des candidats.

RTSinfo: François Fillon estime être le seul à pouvoir barrer la route au Front national. Sur quels terrains l'ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy pourrait-il siphonner les voix de Marine Le Pen?

R. L.: Ce sont surtout sur les aspects culturels (immigration, identité nationale, patriotisme, etc.) que les divergences de position sont les moins grandes. Sur l’immigration en particulier, autant le FN que la droite Fillon sont clairement en faveur d’une politique plus stricte.

Il y a davantage de différences sur les enjeux économiques. François Fillon a présenté un programme franchement néolibéral: il a l’ambition de créer un "choc économique", que ce soit aux niveaux du budget, de la réduction du nombre de fonctionnaires, du régime de retraites ou encore de la durée du temps de travail… De son côté le FN n'apparaît pas disposé à défendre une politique économique dure et a toujours affirmé vouloir protéger les citoyens français.

Le programme néolibéral de François Fillon pourrait pousser davantage vers le Front national un électorat ouvrier qui était, traditionnellement, un électorat de gauche avant de se tourner progressivement vers le FN.

Romain Lachat

RTSinfo: La radicalité du programme économique de François Fillon n’est-elle justement pas de nature à pousser vers l’extrême droite les électeurs les plus vulnérables économiquement?

R. L.: Le vote Front national se base essentiellement sur des critères identitaires et culturels, même si la défense des postes de travail et de certains secteurs industriels fait partie du discours du FN. Je ne pense pas qu’un électeur français qui se sent menacé par l’immigration, ou qui pense que l’intégration européenne met en danger sa situation, fera son choix entre le FN et François Fillon en comparant leurs programmes économiques.

Ceci dit, le programme néolibéral de François Fillon, avec son projet de réforme des retraites et ses exigences budgétaires, pourrait pousser davantage vers le Front national un électorat ouvrier qui était, traditionnellement, un électorat de gauche avant de se tourner progressivement vers le FN.

RTSinfo: François Fillon a été plébiscité par son parti, mais un candidat plus proche du centre n’aurait-il pas été plus apte à rassembler au-delà de sa famille politique ?

Par rapport à une candidature d'Alain Juppé, la droite peut y gagner comme y perdre. Le discours du maire de Bordeaux était moins à-même de mobiliser l’électorat de la droite que celui de François Fillon. Une inconnue réside toutefois dans l’électorat du centre-droit, peut-être moins enclin à soutenir un programme nettement marqué à droite.

Je pense en revanche que François Fillon n’est pas le plus à-même de rassembler un électorat au-delà de sa famille politique. Le discours d’un candidat plus proche du centre aurait probablement été plus porteur pour l’élection présidentielle.

>> Romain Lachat est chercheur et professeur assistant au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) à Paris, spécialiste du comportement électoral.

Propos recueillis par Pauline Turuban

Publié Modifié

Pas de primaire Hollande-Valls

Alors qu'une primaire de toute la gauche est prévue fin janvier, plusieurs candidats ont décidé de s'en dispenser. Ainsi de Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron.

Au sein même du parti socialiste, les couteaux sont tirés, jusqu'au sommet de l'Etat. Le président français - qui doit annoncer prochainement sa candidature - fait face aux assauts répétés de son premier ministre Manuel Valls. Ce dernier se dit ouvertement "prêt" à briguer une investiture à la présidentielle.

Les deux hommes ont mis les choses au clair lundi lors de leur déjeuner hebdomadaire. A l'issue du repas, Manuel Valls a écarté une démission de Matignon et assuré lundi à François Hollande qu'il ne "pouvait y avoir" et qu'il n'y "aurait jamais de crise institutionnelle" au sommet de l'Etat.