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"A Alep, ce n'est pas clair de savoir qui sont les méchants et qui sont les gentils"

Yves Daccord, directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Combats à Alep: réaction d'Yves Daccord, directeur du CICR / Forum / 6 min. / le 14 décembre 2016
Des milliers de civils étaient toujours assiégés mercredi dans les zones rebelles d'Alep, en Syrie. "Les trêves ne tiennent pas car chacune des parties est encore convaincue de pouvoir gagner militairement", regrette le directeur du CICR Yves Daccord.

"Les grands perdants, dans l'offensive à Alep, restent les civils, on l'oublie souvent", rappelle Yves Daccord dans l'émission Forum. Aider les civils est d'ailleurs la priorité des priorités du Comité international de la Croix-Rouge, précise son directeur général.

"Comme les civils, nous sommes dépendants de la bonne volonté des parties en conflit", relève Yves Daccord. Or, chacune des parties est encore convaincue de pouvoir gagner militairement et, par conséquent, les trêves ne tiennent pas, juge-t-il.

Tout le monde sent bien qu'il y a quelque chose de grave qui se passe à Alep, mais ce n'est pas clair de savoir qui sont les méchants et qui sont les gentils.

Yves Daccord, directeur général du CICR

C'est le cas pour les forces du régime, mais aussi pour les milliers de combattants rebelles toujours présents à Alep-Est, qui selon lui "veulent évidemment gagner du temps pour ne pas devoir se rendre". "Et au milieu, il y a encore 15'000 à 20'000 civils qui sont pris dans l'étau."

Yves Daccord insiste sur la "complexité" du conflit syrien. Contrairement aux guerres dans le passé, "tout le monde sent bien qu'il y a quelque chose de grave qui se passe, mais ce n'est plus aussi clair de savoir qui sont les méchants et qui sont les gentils", affirme-t-il.

>> Lire aussi : De nouveaux raids du régime syrien empêchent l'évacuation des civils à Alep

L'envoi d'observateurs "pas réaliste"

Cette complexité, tout comme le déficit d'informations venues de Syrie, expliquent selon Yves Daccord la faible mobilisation des sociétés civiles occidentales. "Il y a aussi plus d'insécurité chez nous, plus aussi d'insécurité économique, qui fait que les gens se sentent un peu moins mobilisés."

Alors que plusieurs voix ont appelé à l'envoi d'observateurs sur le terrain par la Suisse, en tant que dépositaire des conventions de Genève, le directeur général du CICR dit "comprendre" cette demande, mais la juge "pas réaliste".

"C'est impossible sans l'accord des parties, sinon vous allez simplement mettre (les observateurs) dans un danger extrême. Aujourd'hui, il n'y a aucune volonté des parties en conflit, gouvernement ou rebelles, d'avoir des gens qui viennent et qui observent."

Appel de la Suisse pour les droits humains

Dans ce contexte, la Suisse a toutefois appelé mercredi toutes les parties du conflit syrien à respecter les droits humains et le droit international humanitaire. Elle a également réclamé la protection de la population civile piégée par les combats, notamment à Alep.

Face à la situation à Alep-Est, Didier Burkhalter estime que "seule une solution politique peut ouvrir la voie à une paix durable et donc stopper enfin les souffrances de la population civile", selon le communiqué du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

Carla Del Ponte pour un tribunal spécial

Carla Del Ponte, ancienne procureure générale du Tribunal pénal international de l'ONU, a de son côté exigé la création d'un tribunal spécial pour les crimes de guerre en Syrie, comme pour l'ex-Yougoslavie.

Membre de la commission d'enquête des Nations unies sur la Syrie depuis 2012, la Tessinoise est d'avis qu'un tribunal peut travailler plus vite que la Cour pénale internationale (CPI).

dk

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