Selon les premiers éléments dont les médias disposent, il n'y avait pas de dispositif anti-intrusion à l'entrée du marché de Noël à Berlin, comme cela se fait désormais. C'est ce qui aurait permis à un camion de pénétrer et faucher la foule, faisant 12 morts et 48 blessés, selon un bilan provisoire. Pourquoi n'y avait-il aucun bloc de béton, ni aucun véhicule mis en travers de la chaussée pour éviter ce drame? L'enquête dira s'il y a eu ou non une faille dans le système de sécurité.
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Pour l'invité du Journal du Matin Frédéric Esposito, directeur de l'Observatoire de la sécurité à l'Université de Genève, il faudra désormais penser à ce type de dispositifs de manière quasi-systématique lors des rassemblements de foule, sans pour autant "bunkériser" l'espace public.
"Ce mode opératoire n'est pas nouveau. Il a été utilisé à Nice, puis en Allemagne. Et l'on sait qu'il peut y avoir la volonté de reproduire certains modes opératoires, comme une manière de faire allégeance à un groupe terroriste. Les autorités doivent désormais réfléchir à la façon de sécuriser ces événements publics", en fonction aussi des modes opératoires déjà pratiqués.
Pas d'équivalent au "vigipirate"
L'Allemagne devrait-elle décréter des mesures d'urgence accrue? Selon Frédéric Esposito, la réponse allemande sera probablement différente de ce qu'on a pu voir en France. L'Allemagne est un Etat fédéral, elle n'a pas la tradition de l'état d'urgence. Elle aura probablement recours, comme on le fait en Suisse, aux polices des Länder pour renforcer leur dispositif.
Frédéric Esposito craint par ailleurs que ce drame ne polarise encore plus le débat autour de la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel. "Il faudra rappeler que ce ne sont pas les flux migratoires qui génèrent le terrorisme." En revanche, comme dans beaucoup de crimes organisés, les auteurs utilisent "de manière opportune" ces réseaux pour s'infiltrer.
"La rapidité avec laquelle ces réseaux criminels adaptent leurs zones de passages en fonction des zones de contrôles dont ils ont connaissance montre qu'on est évidemment encore faillibles", analyse le professeur. Il rappelle que la seule solution pour mieux contrôler ces flux clandestins est la coopération internationale.
Coopération judiciaire
Cela signifie donc plus de moyens, mais aussi "les Etats doivent céder un peu plus de souveraineté dans le bon fonctionnement de cette coopération policière et judiciaire." Ce discours n'est "pas facile à vendre politiquement", concède-t-il, mais ce serait le seul qui fonctionne sur le terrain.
En témoigne, selon lui, la coopération judiciaire, qui aurait déjà porté ses fruits. "On voit que depuis 2015, les Etats ont adapté leur système judiciaire dans la lutte contre le terrorisme. Cela a permis de mieux fonctionner que par le passé."
Le cadre législatif antiterroriste en Europe converge notamment sur les questions liées au renseignement ou sur la possibilité de donner quelques pouvoirs supplémentaire à l'Etat.
Selon les statistiques d'Europol, citées par le professeur, le nombre de personnes arrêtées pour actions terroristes est passé de 500 personnes en 2013 à 1000 en 2015. "Sur ces 1000 personnes arrêtées, 417 ont été condamnées. Cela signifie que la machine judiciaire fonctionne mieux." Même si cela soulève aussi des questions, comme la prolongation de l'Etat d'urgence en France, notamment en matière de surveillance.
fme