Désormais à la présidence du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius continue de suivre les dossiers qu’il traitait lorsqu’il était au Quai d’Orsay - et notamment le dossier syrien sur lequel il a toujours eu la même position: ne pas négocier avec Bachar al-Assad.
A Alep, la première responsabilité c'est Bachar al-Assad et ses complices - à la fois les Russes et les Iraniens
Le socialiste estime aujourd'hui qu'on aurait pu éviter la tragédie d'Alep. "On ne peut pas refaire l'Histoire, mais c'est vrai qu'il y a des responsabilités lourdes. Si j'avais un horrible classement à faire, je dirais que la première responsabilité c'est Bachar al-Assad et ses complices - à la fois les Russes et les Iraniens", dit d'emblée l'ex-ministre. "Et puis il y a les insuffisances, les évitements, les attermoiements des Américains, des Arabes. Et il y a finalement l'impuissance de l'ensemble de la communauté internationale."
Cette terre qui était unie, qui acceptait des communautés diverses, est devenue un cimetière
Laurent Fabius balaie par ailleurs la thèse qui voudrait qu'une alliance avec le président syrien aurait permis de combattre les terroristes de Daech. "C'est une vision erronnée. Bachar al-Assad est ultra-minoritaire dans son pays. Et il ne peut continuer à exercer son pouvoir que parce qu'il profite, et même il suscite toute une série de conflits avec des terroristes, avec d'autres sur le plan étranger. Je dirais que Bachar porte en lui le terrorisme (…) comme le ciel porte l'orage. Ce qui concrètement aboutit à ce qu'aujourd'hui la Syrie est complètement détruite."
L'ancien ministre des Affaires étrangères ne va pas jusqu'à parler d'une troisième guerre mondiale qui ne dirait pas son nom, mais il note que l'équilibre mondial s’est clairement modifié.
Il n'y a ni affrontement mondial direct ni paix mondiale et c'est cette multipolarité qu'il faudrait essayer d'ordonner
"Aujourd'hui, nous sommes dans un troisième stade qui est un stade multipolaire. Vous avez toute une série de pôles rivaux qui apparaissent. Vous avez le pôle américain qui reste fort; vous avez le pôle russe avec la volonté de Vladimir Poutine; vous avez le pôle chinois; vous devriez avoir le pôle européen mais l'Europe elle-même est divisée et a ses propres problèmes. Et dans ce système multipolaire, aucun de ces pôles ne peut à lui seul régler toutes les crises. Il n'y a ni affrontement mondial direct ni paix mondiale et c'est cette multipolarité qu'il faudrait essayer d'ordonner. Normalement, l'ONU est faite pour cela, mais vous connaissez ses faiblesses - le blocage du Conseil de sécurité par exemple."
Laurent Fabius raconte ses années à la tête de la diplomatie française dans un livre qui vient de paraître, "37, quai d’Orsay", chez Plon.
Ariane Hasler/oang
Donald Trump: "alerte rouge sur le climat"
Président de la COP21 lors de l'accord de Paris l'an dernier, Laurent Fabius ne cache pas sa vive inquiétude face à l'arrivée de Donald Trump et des climatosceptiques à la Maison Blanche.
"Je le redis à votre micro: dans le cadre de l'élection de Donald Trump, il y a lieu de déclarer l'alerte rouge sur le climat."
"Non pas que Donald Trump à lui seul puisse détruire l'accord de Paris, mais quand un pays comme les Etats-Unis, qui est le deuxième pollueur au monde, a à sa tête un président qui fait tout ce qu'il peut pour empêcher le développement des énergies propres et pour favoriser les énergies fossiles, ça pose des problèmes effrayants qui risquent d'avoir des conséquences dans le monde entier. Je suis extrêmement inquiet."