"Ce sont les morts de Merkel!" et "l'Allemagne n'est plus sûre face au terrorisme de l'islamisme radical", ont dénoncé mardi plusieurs responsables du parti populiste Alternative pour l'Allemagne (AfD), mouvement dont la percée a été favorisée par l'accueil de plus de 900'000 migrants et réfugiés dans le pays en 2015.
Mais les attaques contre la politique de la chancelière, qui brigue un quatrième mandat en 2017, se multiplient dans tous les camps.
"Nous devons aux victimes, à leurs familles et à l'entier de la population, de repenser et de réajuster entièrement notre politique d'immigration et de sécurité", a notamment déclaré Horst Seehofer, le président de la CSU, parti allié à la CDU d'Angela Merkel dans la grande coalition allemande.
"Le terrorisme islamiste est présent en Allemagne depuis 2001, mais on peut dire que la politique migratoire récente y a augmenté le risque d'attentat", critique pour sa part l'ex-ministre de l'Intérieur d'Angela Merkel, Hans Peter Friedrich, qui rejette toutefois les attaques directes.
En faire l'affaire personnelle de la chancelière est injuste (...). Cela montre que l'on ne peut pas s'attendre à une politique sérieuse de l'AfD.
La fin de la "Willkommenskultur"?
"L'attentat de Berlin sonne-t-il la fin de la culture de l'accueil allemande?", s'interrogent aussi mercredi les médias germanophones.
Bild évoque une "perte de confiance" envers le gouvernement. "Beaucoup de personnes dans le pays projettent leur colère, leur peur sur Angela Merkel", estime le quotidien.
L'attentat de lundi est "le cauchemar de Merkel", titre le Spiegel Online, qui prédit que "la tâche de réunir le pays d'ici aux législatives de septembre 2017 s'annonce ardue".
"Le thème de la sécurité intérieure sous toutes ses facettes sera au coeur du débat jusqu'au vote de septembre 2017", assure la Neue Zürcher Zeitung. Pour le quotidien alémanique, "la pression n'a jamais été aussi forte sur la chancelière, même au plus fort de la crise européenne".
Déclaration "émotionnelle"
Il serait particulièrement difficile à accepter pour nous tous s'il était confirmé que la personne qui a commis cet acte a demandé asile et protection en Allemagne.
Evoquant la possibilité que cet attentat ait été commis par un demandeur d'asile, Angela Merkel a elle-même admis l'ambivalence de la situation dans son discours qui a immédiatement suivi l'attentat. En effet, l'auteur n'a pour l'heure pas été formellement identifié et rien n'indique que le suspect est un réfugié.
Or, avec sa déclaration "très émotionnelle", la chancelière prend un risque, estime Die Welt. "Elle exprime sa douleur, sans dire ce qu'elle va faire, au risque de se montrer impuissante. C'est une impression dangereuse à donner pour un pays attaqué."
Prudence
Angela Merkel n'annonce pas non plus qu'elle va revoir sa politique migratoire, comme certains l'espéraient, mais donne une "dimension presque religieuse" aux événements, avec des "formulations prudentes".
Ce ton mesuré est aussi relevé par l'historien Klaus Peter Sick, chercheur à l'institut Marc Bloch de Berlin, mardi dans l'émission Forum de la RTS. Pour lui, les autorités allemandes "ont fait preuve de sobriété, de calme, de prudence avec les informations données. On s'est concentré sur la tristesse, l'émotion".
"Personne ici ne parle de l'Etat d'urgence", pourtant prolongé en France jusqu'à cet été, observe-t-il encore. Une mesure qu'il qualifie de "politique psychologique" et "purement symbolique".
Jessica Vial
"Jours comptés" au poste de chancelière?
Les jours d'Angela Merkel en tant que chancelière sont comptés, a estimé l'historien Klaus Peter Sick dans Forum. "Il y a un effritement du pouvoir dû aux nombreuses omissions dans sa politique d'immigration".
Or, pour Marcus Kerber, professeur de finances publiques et d'économie politique à l'université technique de Berlin et président fondateur du think tank Europolis, interrogé dans la même émission, "la gauche comme la droite ne voient pas d'alternative à Merkel, malgré une politique contestée".
Pour lui, l'attentat de Berlin ne l'a pas décrédibilisée. Selon les milieux qui la critiquent, à l'instar de la "droite de la droite", "elle l'était déjà depuis une année". En cause, notamment les attaques terroristes survenues cet été en Bavière, perpétrées par des personnes issues du flux de réfugiés.