"Après Eltsine, il fallait peut-être un ancien du KGB pour avoir la force de reprendre la Russie en main", observe Jean-Michel Carré, interrogé vendredi dans Histoire vivante sur le documentaire diffusé dimanche sur RTS Deux (en replay ci-dessus).
Démarrant -très symboliquement- avec une scène martiale de la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale à Moscou, en l'absence des principaux dirigeants occidentaux, le documentaire "Poutine, le nouvel empire" se veut "une remise à plat de l'histoire". "Car on ne connaît rien de la Russie et de ce que les Russes ont vécu", rappelle Jean-Michel Carré dans une interview à la RTS.
Plutôt connu pour être un critique acerbe du dirigeant russe, le réalisateur français assume cette fois un film qui, selon ses mots, "ne plaira ni aux Poutiniens ni aux anti-Poutiniens".
Dédain occidental
Le détour historique lui apparaît pourtant essentiel à l'heure où le pays se redéfinit sur la scène internationale, hors du territoire de l'ex-Union soviétique, notamment à travers son implication en Syrie. "On dit qu'il veut faire une nouvelle URSS, je ne le crois pas. Vladimir Poutine considère simplement que chaque pays a droit à sa zone d'influence", explique Jean-Michel Carré sur La Première.
"Dans les années 1999-2000, Poutine était probablement le plus pro-européen des hommes politiques russes", assure dans le film Serguey Karaganov, président du Conseil de la politique de défense russe.
Virage à l'Est
Mais face au mépris des Européens et des Américains, le chef du Kremlin a fini par tourner le dos à l'Occident et déplacer le centre de gravité de son pays plus à l'Est, en développant de nouvelles alliances avec la Chine. Ce n'est ainsi pas un hasard si le président Xi Jinping était -avec son homologue indien- un des rares dirigeants présents à la commémoration géante organisée à Moscou le 9 mai 2015 en pleine bisbille internationale sur l'Est de l'Ukraine.
"Sans nous en rendre compte, nous subissons une propagande extraordinaire des Américains", dénonce Jean-Michel Carré. Et de citer en exemple la Seconde Guerre mondiale qui reste assimilée à une victoire des Américains alors que sans le front de l'Est, qui a coûté la vie à plus de 20 millions de Russes, la chute du régime nazi aurait été impossible.
Un nouveau rôle international
Depuis son arrivée au pouvoir à l'aube du nouveau millénaire, Vladimir Poutine a passablement bousculé l'ordre mondial, au point d'apparaître comme "le personnage qui a su relever la Russie" après le choc de l'effondrement de l'URSS et la dépression qui a suivie, rappelle le réalisateur qui précise que le pays a enregistré alors 40% de baisse de son pouvoir d'achat et vu l'apparition d'oligarques corrompus et mafieux.
"Il est aujourd'hui très clair que Vladimir Poutine a peur de la Chine et qu'il se sait qu'il est profondément européen", soutient Jean-Michel Carré pour qui, "d'ici 10 ou 15 ans, avec la force qu'aura repris la Russie, Vladimir Poutine va se retourner vers l'Europe avec la possibilité de discuter d'égal à égal".
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Propos recueillis par Jean Leclerc
Papier web: Juliette Galeazzi