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Victimes des purges d'Erdogan, des officiers turcs basés en Belgique témoignent

Les officiers turcs de l'OTAN purgés.
Purgés par Erdogan, des officiers turcs basés en Belgique témoignent / Tout un monde / 7 min. / le 9 février 2017
Sept mois après le putsch raté, les purges se poursuivent en Turquie et concernent aussi des militaires stationnés à l’étranger. La RTS a recueilli les témoignages exclusifs de certains d'entre eux basés en Belgique.

Une centaine d’officiers turcs travaillent au siège de Bruxelles et surtout au Quartier général opérationnel (Shape) dans la ville de Mons. Nonante pour cent d'entre eux ont été victimes des purges, Ankara leur reprochant leur participation au coup d’Etat quand bien même ils étaient à des milliers de kilomètres des lieux des opérations.

Ces hommes, et leurs familles souvent, vivent dans une semi-clandestinité. "Notre point commun à tous, c'est notre allégeance aux valeurs occidentales, notre croyance dans l’Etat de droit, la volonté de démocratie pour la Turquie", témoigne l'un d'eux dans l'émission Tout un monde de la RTS.

"Eliminer l'élite"

Ces officiers éduqués à l’occidentale, dans le culte de la laïcité chère à Ataturk, sont devenus petit à petit des obstacles à la volonté du président Erdogan et de son parti, l’AKP, de récupérer le pouvoir, partagé avec l’armée.

"Traditionnellement, l’armée est une institution essentielle de la gouvernance en Turquie. Donc celui qui veut lui retirer son pouvoir, qui veut se l’accaparer pour lui-même, doit s’en prendre à l’armée. Alors ils nous ont frappés de façon préventive pour éliminer l’élite", dit un autre officier interrogé sous le couvert de l'anonymat.

"Certains sont rentrés, ils ont été arrêtés"

Lorsqu'ils reviennent sur le coup d'Etat raté qui a eu lieu dans la nuit du 15 au 16 juillet dernier, tous disent leur stupeur et leur étonnement.

"Quand on a pris conscience de l’ampleur des arrestations, on s’est dit: on a un alibi en béton puisque nous étions loin du pays au moment des faits. Personne ne pourrait nous accuser d’avoir un lien avec les évènements."

Mais la réalité est tout autre. "On a vu apparaître des listes avec des noms d’officiers suspendus, puis on a reçu une nouvelle liste avec 240 noms à l’étranger. Il n’y avait aucune information sur les charges retenues contre nous. Juste nos noms et l’injonction de rentrer immédiatement au pays, ce qu’on a interprété comme: 'Revenez par n’importe quelle frontière et on vous jettera en prison'."

Certains sont rentrés et 90% d’entre eux ont été arrêtés. Alors on a tous compris qu’il n’y avait plus d’Etat de droit en Turquie. Même si on se considérait innocent, il était plus sage d’attendre avant de rentrer.

Un officier turc basé en Belgique

Conseillés par leurs avocats, ils ont réclamé leur dossier pour savoir ce qu’on leur reprochait exactement. Pas de réponse. "Le jour où le nom de mon mari est apparu sur les listes, la police a perquisitionné deux fois le domicile de ma mère, dont une fois à 6 heures du matin", raconte la femme d'un des officiers.

La sanction est tombée: la radiation

Ankara a réclamé à l’OTAN les enregistrements vidéo autour des activités du Shape, le QG de l’Alliance, la nuit du coup manqué. Ce que nie l'ambassadeur turc, mais qui a été confirmé à la RTS par des sources diplomatiques.

Pour les officiers qui ont refusé de rentrer, la sanction est tombée: la radiation. "Formellement, nous appartenons toujours à l’armée, mais nous ne touchons plus notre solde et ils nous ont coupé la sécurité sociale. Donc, nous n’avons plus ni revenus ni droits, juste nos économies."

Le coup est dur à encaisser. "Ça nous a détruits. Pour nous, l’armée c’est toute notre vie. Nous nous sommes engagés à l’âge de 14 ans, nous appartenons à la crème des forces armées. Nous avons beaucoup donné, en termes d’énergie et d’études, et, dans la plupart des cas, nous avons négligé nos familles pour construire notre carrière."

Alain Franco/lgr

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Demande d'asile en Belgique

La solidarité s’organise autour de ces militaires au moyen de collectes et de dons. Ils ont tous déménagé dans des appartements hors des quartiers où vivent d’importantes communautés turques. "C’est préférable, car les diasporas sont souvent très pro-Erdogan", disent-ils.

La plupart d’entre eux ont aussi déposé une demande d’asile en Belgique, ce qui crée d’ailleurs un problème diplomatique: Ankara fait pression sur Bruxelles pour rejeter ces demandes, mais la Belgique ne plie pas.

Une chose est sûre, à ce stade: un retour au pays et à la vie d’avant n'est tout simplement pas envisageable.