Les refus successifs de l'Allemagne et d'autres pays de l'Union européenne (UE) comme les Pays-Bas de laisser des ministres turcs participer sur leur sol à des réunions électorales auprès de la diaspora en faveur du oui au référendum du 16 avril continuent à excéder l'homme fort d'Ankara.
Au point qu'il a fustigé dimanche les "méthodes nazies" de la chancelière allemande Angela Merkel. Or, si Recep Tayyip Erdogan a beaucoup parlé de "fascisme" et de "nazisme" à propos de l'UE ces derniers temps, c'est la première fois qu'il s'en prend personnellement à Angela Merkel.
"Quand on les traite de nazis, cela ne leur plaît pas. Ils manifestent leur solidarité. En particulier Merkel", a déclaré Recep Tayyip Erdogan dans un discours télévisé.
"Mais tu as recours en ce moment précis à des pratiques nazies", a-t-il lancé à l'adresse de la dirigeante allemande.
Politiciens allemands très remontés
"Nous sommes tolérants, mais nous ne sommes pas des imbéciles", a répliqué le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel.
"J'ai donc fait savoir très clairement à mon homologue turc qu'une limite avait été ici franchie" suite aux propos "choquants de M. Erdogan", a-t-il ajouté.
"Est-ce que Monsieur Erdogan a encore tous ses esprits ?", s'est interrogé la vice-présidente de la CDU, Julia Klöckner. Elle a demandé l'arrêt des subventions européennes "qui se montent en milliards d'euros" en faveur de la Turquie, prévues pour l'aider à se rapprocher de l'UE.
Elu dimanche président du SPD et challenger d'Angela Merkel aux législatives du 24 septembre, Martin Schulz a jugé les propos du président turc "indignes d'un chef d'Etat". "La Turquie est en train d'évoluer vers un Etat autoritaire", a-t-il jugé.
La chancelière a elle-même réagi lundi en menaçant d'interdire les responsables turcs de venir participer à des réunion électorales pro-Erdogan en Allemagne.
Doutes sur le putsch
La Turquie a par ailleurs réagi avec véhémence aux propos du patron des services de renseignements extérieurs allemands, Bruno Kahl, ce week-end.
Ce dernier a estimé dans un entretien à l'hebdomadaire Der Spiegel qu'Ankara n'avait pas réussi à "convaincre" de la responsabilité du prédicateur Fethullah Gülen dans le putsch manqué de juillet dernier. Exilé aux Etats-Unis, celui-ci dément catégoriquement toute implication.
Cette déclaration vise à "blanchir" le groupe de Gülen en Europe, s'est aussitôt insurgé le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin.
Les précisions, dans Forum de la RTS, de Blandine Milcent, correspondante à Berlin:
Pierre-Yves Maspoli
Menaces au Danemark
Le ministre danois des Affaires étrangères Anders Samuelsen a annoncé dimanche qu'il convoquait l'ambassadeur de Turquie à Copenhague pour évoquer les menaces "inacceptables" dont avaient fait état des binationaux turco-danois critiques du président Erdogan.
La peine de mort se rapproche, l'Europe s'éloigne
Cet accès de tension écarte un peu plus encore la perspective d'une intégration de la Turquie à l'UE. Recep Tayyip Erdogan a jeté de l'huile sur le feu samedi en déclarant s'attendre à ce que le Parlement vote le retour de la peine capitale, abolie en 2004 dans le cadre de la candidature d'Ankara à l'entrée dans l'UE.
"Si la peine de mort est réintroduite en Turquie, cela entraînera la fin des négociations", a commenté le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.