"Le nombre de victimes a doublé depuis 2014, c'est extrêmement inquiétant", alerte sur le plateau de Géopolitis Pascal Rapillard, responsable des relations extérieures du Centre international de déminage humanitaire à Genève (GICHD). A la veille de la journée internationale contre les mines antipersonnel du 4 avril, l'expert pointe un "retour en arrière" et une "contamination nouvelle": "Cela est dû à tous ces conflits nouveaux et liés à ces groupes armés comme Daech en Syrie et en Irak, mais aussi les conflits en Ukraine et au Yémen."
Un coût de fabrication dérisoire
Qu'elles soient de fabrication industrielle ou bricolées de manière artisanale, les mines antipersonnel ont un coût de production très bas, qui varie de 3 à 30 francs l'unité. Cela explique qu'elles sont une arme privilégiée des factions armées non étatiques, milices prorusses en Ukraine, Daech en Syrie et en Irak, ou groupes djihadistes au Sahel, au Nigeria, en Afghanistan et guérilla en Colombie.
Poignée de porte ou jouets pour enfants, ces armes sont faites pour tuer.
"Ces engins explosifs improvisés se représentent sous la forme d'une poignée de porte, d'une tasse ou de jouets pour enfants", souligne à Géopolitis Fanny Mraz, cheffe de mission pour Handicap International en Irak. Une "nouvelle menace", dit-elle, plus meurtrière: "Ces armes sont faites pour tuer, alors que des mines plus conventionnelles, elles, vont blesser ou rendre une personne handicapée."
Ces armes aveugles ont ceci de barbare qu'elles touchent en majorité des civils innocents (78%), dont 38% sont des enfants, selon les chiffres du dernier rapport de l'Observatoire des mines. Enfouies sous terre ou disséminées dans les champs, les mines antipersonnel peuvent exploser des années voire des décennies après la fin d’un conflit. Le bilan humain est particulièrement élevé en Afghanistan, en Libye, au Yémen, en Syrie et en Ukraine. Ces cinq pays totalisent à eux seuls près de 80% de toutes les victimes.
Le gouffre du déminage
Si une poignée de francs suffit à la fabrication d'une mine, le désamorçage d'un seul engin nécessite en revanche des investissements beaucoup plus importants: de 300 à 1000 francs.
Sur les terrains minés, les opérations se font essentiellement à la main, notamment en milieu urbain. Des engins robotisés - comme les tanks démineurs de la fondation suisse Digger - permettent eux de couvrir des surfaces de champs conséquentes en peu de temps. Des chiens et même des rats complètent à leur tour ces dispositifs. Des dispositifs onéreux: un tank démineur coûte jusqu'à un demi-million de francs.
Le déminage complet d'un territoire prend des années, voire plusieurs décennies de travail. Les budgets consacrés à cet effort eux ne cessent de reculer depuis 5 ans.
Mélanie Ohayon, Marcel Mione
La Convention d'Ottawa
Alertés par les organisations humanitaires et l'opinion publique, les Etats ont été amenés à s’engager dans la Convention d'Ottawa, entrée en vigueur en 1999. Celle-ci interdit l'emploi, la production, l'acquisition, le stockage et le transfert des mines antipersonnel.
Les signataires - 162 Etats à ce jour - s'obligent à nettoyer les zones contaminées dans un délai de 10 ans. Un trentaine d'Etats récalcitrants restent à convaincre. Parmi eux, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, l'Arabie saoudite ou Israël.