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"La communauté internationale n’a pas été présente pour aider la Tunisie"

Des manifestants réclament le départ de Ben Ali à Tunis le 14 janvier 2011. [Reuters - Zohra Bensemra]
L'exception tunisienne / Geopolitis / 15 min. / le 9 avril 2017
Après les printemps arabes de 2011, la Tunisie fait figure d’exception. Wided Bouchamaoui, prix Nobel de la paix 2015, regrette que son pays ait été lâché par la communauté internationale durant sa transition démocratique.

"Malheureusement - je le dis avec beaucoup d'amertume - on s'attendait à beaucoup plus, dans le domaine économique ou politique. Je pense que la communauté internationale n'a pas été au rendez-vous pour aider la Tunisie comme il le fallait", déplore Wided Bouchamaoui sur le plateau de Géopolitis, revenant sur l'issue du printemps arabe de 2011. Présidente de l'Union patronale tunisienne, elle s'est illustrée au sein du quartet du dialogue national tunisien qui recevra en 2015 le prix Nobel de la paix. Cette haute distinction lui a été remise pour son rôle dans la transition démocratique du pays qui a permis la ratification d'une nouvelle Constitution en 2014 et la tenue d’élections présidentielles et législatives.

En 2013, la Tunisie est au bord du chaos. Deux figures de l'opposition, Mohamed Brahmi et Chokri Belaïd, sont assassinées. Manifestations et violences émaillent le pays. C'est dans ce contexte que le quartet s'organise. Syndicats, patronat, avocats et représentants des droits de l'homme conjuguent leurs forces pour éviter une guerre civile. "La particularité de la révolution tunisienne, c'est qu'elle a été faite par des Tunisiens et uniquement par des Tunisiens. La solution aussi a été faite par des Tunisiens", souligne Wided Bouchamaoui.

Aujourd'hui nous avons à réussir une transition économique.

Wided Bouchamaoui, présidente du patronat tunisien

Cette démocratie en marche, qui garantit notamment les libertés fondamentales et l'égalité entre hommes et femmes, demeure toutefois fragile et incertaine à plusieurs égards. Le chômage, qui frappe surtout les jeunes (plus de 35% en 2016, selon l'OIT), la menace islamiste ou la corruption entachent le bilan tunisien.

"Nous avons réussi une transition politique parfaite. Aujourd'hui nous avons à réussir une transition économique. C'est notre devoir à tous de travailler beaucoup plus", concède Wided Bouchamaoui. Elle n'en reste pas moins optimiste et rassurante quant à l'avenir de son pays: "La Tunisie est sur la bonne voie".

Un modèle exportable?

"Nous avons fait quelque chose d'extraordinaire", dit-elle. "La Tunisie a réussi parce qu'elle a une société civile impliquée, importante, des femmes émancipées (...), une jeunesse éduquée, ouverte (...) et des organisations syndicales et patronales historiques", argue Wided Bouchamaoui pour expliquer cette "exception tunisienne".

Le modèle tunisien de transition est-il pour autant exportable et transposable aux autres Etats arabes? Face à un voisin libyen livré au chaos ou à l'autoritarisme en Egypte, "nous ne sommes pas là pour donner des leçons", affirme Wided Bouchamaoui. Néanmoins, elle estime qu'il est possible de "l'adapter". "C'est un exemple à méditer", conclut-elle.

Mélanie Ohayon

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