Modifié

Le président de la Fédération des échecs vacille sous les sanctions américaines

Le président de la Fédération d'échecs au cœur de la controverse
Le président de la Fédération d'échecs au cœur de la controverse / 19h30 / 3 min. / le 8 avril 2017
De Kadhafi à Bachar al-Assad, les fréquentations de Kirsan Ilyumzhinov, président de la Fédération internationale des échecs basée à Lausanne, sont contestées. Le poste de cet oligarque proche du Kremlin fait l'objet d'une bataille financière et géopolitique.

Kirsan Ilyumzhinov fréquente les puissants de ce monde grâce à une fonction qui lui ouvre des portes depuis plus de 20 ans: la présidence de la Fédération internationale des échecs (FIDE), basée à Lausanne.

Ilyumzhinov accède à la tête de la FIDE en 1995. Joueur lui-même, il considère les règles du jeu d'échecs comme venues d'un autre monde, conviction qu'il dit tenir d'un enlèvement et d'une rencontre extraterrestre.

Un président encombrant

C'est néanmoins ce monde-ci qu'il sillonne pour promouvoir la discipline, qu'il veut inscrire au programme des Jeux olympiques. Il s'affiche au fil des ans aux côtés de Saddam Hussein, du Dalaï-lama, du pape Jean-Paul II, puis de Bachar al-Assad. En 2011, il dispute une partie avec Mouammar Kadhafi sous l'oeil des caméras à Tripoli, quelques mois avant la chute du dirigeant libyen.

"Comme président de la FIDE, Ilyumzhinov a certes apporté des choses positives pour les échecs", explique à la RTS Gilles Miralles, président de la Fédération genevoise d’échecs. "Mais par ses fréquentations et ses sorties médiatiques, il donne une très mauvaise image. Sans compter les problèmes financiers actuels de la FIDE".

Echec et mat?

Accusé d'utiliser la FIDE pour ses intérêts personnels ou ceux du Kremlin au détriment des joueurs d'échecs du monde entier, il est désormais au coeur d'une bataille qui déborde jusque sur le site internet de la fédération et les réseaux sociaux.

Tout s'enflamme le 27 mars avec la publication d'une annonce sibylline: le président a démissionné. Ilyumzhinov dément immédiatement. S'ensuivent des lettres ouvertes quasi quotidiennes. Les fédérations nationales et régionales se positionnent. L'une d'elles prend le soin de nier toute manoeuvre américaine dans le conflit.

Sanctions américaines

L'affaiblissement de Kirsan Ilyumzhinov remonte à fin 2015. Washington l'inscrit sur la liste américaine des sanctions, l'accusant d’avoir fourni de l’aide matérielle au régime syrien. Depuis, ses déplacements sont restreints et son accès interdit sur sol américain. Il n'a d'ailleurs pas pu assister en novembre dernier aux Championnats du monde organisés à New York par sa propre fédération.

Mais l’entrave est aussi financière. Comme le souligne Jean-Loup Chappelet, professeur à l’Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP) à Lausanne: "Commercialement, cela peut-être très mauvais d'avoir un président qui ne peut pas se déplacer ou qui vient d'un pays qui repousse sponsors et droits de télévision. Cela coupe directement dans les recettes de la Fédération."

Assemblée agitée

De fait, la FIDE, dont les finances sont fragiles, est aujourd'hui au bord du gouffre. De nombreux membres exigent davantage de transparence et un changement de leadership. Contacté, Kirsan Ilyumzhinov n'a pas répondu aux questions de la RTS.

Une bataille décisive se jouera lundi. Une assemblée extraordinaire est agendée à Athènes. Le président n'a pas dit son dernier mot, comme s'en amuse Gilles Miralles : "on a donné Ilyumzhinov souvent perdant et il s'en est toujours sorti".

Natalie Bougeard et Pascal Jeannerat

Publié Modifié

Président de Kalmoukie et intérêts économiques variés

Kirsan Ilyumzhinov n’a que 31 ans lorsqu’il accède en 1993 à la présidence de la Kalmoukie, république russe des bords de la Caspienne à forte population bouddhiste et riche en caviar, gaz et pétrole.

Elu il se déclare ni communiste, ni démocrate. "Je suis capitaliste et la Kalmoukie va devenir une entreprise", annonce Kirsan Ilyumzhinov. L'homme tient la barre d'une main de fer mais l'entreprise peine à fleurir. Le meurtre d'une journaliste qui s’intéressait de près aux finances du président et d'autre affaires remontent jusqu'au Kremlin. En 2010, Kirsan Ilyumzhinov quitte ses fonctions.

Ses affaires, obscures, se poursuivent. Les liens financiers de Kirsan Ilyumzhinov s'étendraient du pétrole jusqu'au négoce de sucre, en passant par des fonds d’investissements. En 2015, il revendique la propriété du géant russe de l’ammoniac pour fertilisants TogliattiAzot.

S’il est toujours resté discret sur l’origine de sa fortune, il intrigue sur son don à la faire fructifier : "Je donne beaucoup d'argent et j'en reçois dix fois plus en retour".