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Pour être au centre du monde, la Chine renverse ses cartes

L'Assemblée nationale populaire chinoise réunie le 5 mars 2017. [Reuters - Damir Sagolj]
La Chine rebat les cartes / Geopolitis / 15 min. / le 7 mai 2017
Une Chine avocate du libre-échange et prête à guider l’ordre mondial ? Le président chinois Xi Jinping l'a affirmé à Davos en janvier dernier. La Chine se voit désormais au centre du monde, jusque dans ses cartes de géographie.

Certains n'en ont pas cru leurs oreilles quand Xi Jinping, le numéro 1 du Parti communiste chinois s’est fait le champion de la mondialisation "cet océan immense auquel personne ne peut échapper". C'était au Forum économique de Davos en janvier dernier. Un message implicite en direction du géant américain et son nouveau président Donald Trump.

Dans son ambition de "guider l’ordre mondial et le système de sécurité international", la Chine a redessiné la carte du monde, qui renverse notre imaginaire occidental. Elle se positionne au centre, bien sûr, mettant en relief deux nouvelles routes de la soie destinées à dominer le commerce mondial. Déjà à l'époque de l'empire Ming, la Chine était au centre.

"Toutes les représentations du monde en Chine ancienne se faisaient selon ce modèle-là. C'est l'idée que la Chine est au centre et qu'autour, il y avait plutôt des barbares", rappelle Nicolas Zufferey, invité dans Géopolitis et chercheur spécialiste de la Chine à l'Université de Genève.

Les deux nouvelles routes de la soie chinoises. [RTS - DR]
Les deux nouvelles routes de la soie chinoises. [RTS - DR]

Deux routes stratégiques

Partant de Pékin jusqu'à Rotterdam, la route maritime polaire n'était pas inconnue. C’est la route du sud, dans l’océan Indien, qui suscite plus d'étonnement. Cette voie relie de nombreux ports, tous contrôlés par la Chine, comme celui de Gwadar au Pakistan, qu'elle a entièrement financé. Cet emplacement est stratégique, car c'est un moyen de contourner le détroit de Malacca, entre la Malaisie et l'Indonésie, et le port de Singapour. Il permet aussi de mieux connecter l'Ouest chinois au reste du monde.

Pour Nicolas Zufferey, il ne faut pas voir dans ces velléités d'expansion une quelconque agressivité. Sauf en mer de Chine méridionale qu'elle considère dans sa sphère d'influence. Dans l'hypothèse d'un conflit mondial dans le Pacifique, "les Chinois savent très bien qu'ils auraient énormément à perdre", économiquement trop dépendants de cette mondialisation qu'ils défendent, estime-t-il.

L'économie en ligne de mire

Alors que le bilan démocratique et des droits de l'homme demeurent médiocres dans le pays, la société chinoise se concentre sur ses résultats économiques, la force de son travail et sa productivité, note Nicolas Zufferey.

C'est patriotique de consommer.

Nicolas Zufferey, sinologue

Dans ce contexte la jeunesse chinoise est de plus en plus dépolitisée, focalisée sur l’amélioration de sa propre situation économique. "La plupart des sites internet sont des sites de divertissement ou des plateformes d'achat. Consommer, c'est patriotique de consommer", souligne Nicolas Zufferey. Et d'ajouter: "Pour beaucoup de Chinois aujourd'hui, ce qui compte c’est l’économie. (...) Ils sont prêts à patienter un certain temps pour les progrès politiques".

Dans ce "rêve chinois" dépeint par le président Xi Jinping, domine l’idée que "les droits de l'homme, la démocratie ne seraient pas forcément adaptés à la Chine, qui privilégierait le bien-être du groupe". C’est l'idée du "sacrifice individuel", des "devoirs plutôt que les droits", témoignant d'un patriotisme chinois fort.

Nicolas Salin

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