Dans ce qui est la plus grave crise géopolitique régionale depuis la Guerre du Golfe au début des années 1990, l'Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, ainsi que l'Egypte et le Yémen, ont rompu lundi leurs relations diplomatiques avec le Qatar.
La carte des relations du Qatar (en noir):
Pour justifier la rupture des relations avec son voisin qatari, l'Arabie saoudite l'a accusé de soutien à des groupes djihadistes cherchant "à déstabiliser la région", mais des analystes estiment que la véritable raison est autre.
Front contre l'Iran
"Les Saoudiens cherchent à créer un front uni contre l'Iran et pour cela ils ont besoin d'éliminer toute opposition" au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), affirme ainsi Farhad Rezaei, chercheur du Centre d'études iraniennes basé à Ankara.
Mais cette crise donne à Téhéran l'opportunité "d'accroître ses relations avec le Qatar qui a désormais besoin de l'Iran pour ses liaisons aériennes et la fourniture de denrées alimentaires", explique Foad Izadi, professeur en relations internationales à l'Université de Téhéran.
En Syrie, l'Iran appuie le régime du président Bachar al-Assad que des groupes rebelles soutenus par le Qatar cherchent à renverser. Mais dans le même temps, le Qatar et l'Iran partagent un immense champ gazier dans les eaux du Golfe, dont ils assurent ensemble la direction et la sécurité.
"Saisir l'occasion"
La crise n'est pas clairement liée à "quelque chose de nouveau que le Qatar ait fait", estime de son côté Jane Kinninmont, experte associée à l'institut Chatham House à Londres.
Elle ressemble plutôt, selon elle, à une "tentative de saisir une occasion" au moment où Ryad et Abou Dhabi renforcent leurs liens avec l'administration Trump.
Les relations entre le Qatar et l'Arabie saoudite ont toujours été tendues dans les années récentes, en 2014 déjà, l'Arabie saoudite, les Emirats et le Bahreïn avaient rappelé leurs ambassadeurs en poste à Doha. La crise avait duré huit mois, sans atteindre le niveau d'une rupture des relations diplomatiques.
Mais la situation actuelle est particulière, car elle est la retombée du voyage triomphaliste il y a quinze jours de Donald Trump en Arabie saoudite, durant lequel le président américain avait lancé un appel à toutes les nations "à isoler l'Iran".
Donald Trump se félicite de l'isolement du Qatar
Le président américain a d'ailleurs fait un lien mardi entre ses propos récents au Moyen-Orient contre l'islamisme radical et la décision de pays de la région d'ostraciser le Qatar, qui pourtant héberge la plus grande base aérienne américaine dans la région, siège du commandement militaire américain chargé du Moyen-Orient.
Le président américain Donald Trump a estimé que l'isolement du Qatar marquera "peut-être le début de la fin de l'horreur du terrorisme", suggérant que "tous les éléments pointent vers le Qatar" dans le financement de l'extrémisme.
Ces déclarations du président américain tranchent avec le ton conciliant de son chef de la diplomatie, Rex Tillerson, qui avait appelé lundi les pays du Golfe à rester "unis" et à "s'asseoir et à parler de ces divergences".
agences/mre/vtom
La Turquie, proche du Qatar, veut résoudre la crise
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, un proche allié du Qatar, a entrepris "des efforts diplomatiques" pour tenter de résoudre la crise entre Doha et ses voisins du Golfe, a indiqué mardi son porte-parole.
La Turquie, qui entretient des rapports privilégiés avec le Qatar, est également souvent accusée de soutenir divers groupes issus de la mouvance des Frères musulmans dans le monde arabe et sur le ton conciliant récemment adopté envers l'Iran.
Une "opportunité" pour Israël
Le ministre israélien des Affaires étrangères a estimé lundi que la rupture des principales monarchies du Golfe et de l'Egypte avec le Qatar ouvrait la porte à une coopération avec ces pays dans la lutte contre le terrorisme.
Israël a le Qatar dans le collimateur notamment en raison de son soutien au mouvement islamiste palestinien Hamas, qui dirige la bande de Gaza et que l'Etat hébreu considère comme "terroriste".