Imitant le pionnier qu'a été Saint-Christophe-et-Niévès en 1984, Malte et Chypre ont franchi le pas en 2013 et 2012 et octroient leur passeport aux étrangers prêts à investir une somme minimale dans le pays.
Si quelques centaines de milliers de francs suffisent pour devenir citoyen d'un pays caribéen, la facture grimpe à 1,9 million pour Chypre et 1,1 million à Malte. La Bulgarie offre aussi cette possibilité, mais à des conditions plus strictes, tout comme l'Autriche. L'investissement dans ce dernier pays doit atteindre plusieurs millions et il n'y a pas de garantie que le processus aille à son terme.
Russes et Chinois très présents
Les clients intéressés par ces achats sont le plus souvent des Chinois ou des Russes. Si les Etats cherchent à renflouer leurs caisses par ce biais, les acheteurs cherchent de leur côté des sésames qui leur permettent de voyager librement ou d'inscrire plus facilement leurs enfants dans une université européenne. Mais ce commerce cache aussi parfois de l'optimisation fiscale.
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Il s'agit d'une industrie à multi-multi milliards
Ce business profite à toute un série d'intermédiaires spécialisés, dont l'avocat zurichois Christian Kälin, parfois surnommé "le roi du passeport". Selon lui, il s'agit "d'une industrie à multi-multi milliards" et il parie que cette pratique sera à l'avenir "mieux acceptée, avec toujours plus de pays qui la pratiquent".
Opacité dénoncée à Malte
Mais à Malte, certains critiquent ce commerce jugé opaque. "Selon certaines statistiques, la majorité sont des Russes ou viennent d'ex-Etats soviétiques. Il y a des Chinois, des gens du Moyen-Orient. Mais si vous demandez qui ils sont, quels sont leurs noms… on n'en sait rien", témoigne Ivan Camilleri, journaliste au Times of Malta.
"Si vraiment il y a un doute sur un candidat, Malte refuserait de vendre son passeport. Les gens qui l'obtiennent sont très étroitement contrôlés", assure toutefois Christian Kälin.
Selon le gouvernement maltais, ce business aurait déjà rapporté 200 millions d'euros. Quelque 700 passeports ont été vendus depuis 2014 et le gouvernement a fixé à 1800 maximum le nombre de sésames à écouler ces prochaines années.
Au total, 13 pays offrent la possibilité d'acheter la nationalité (Malte, Chypre, Autriche, Bulgarie, République dominicaine, Dominique, Grenade, Antigua-et-Barbuda, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Cap Vert, Comores, Vanuatu et Cambodge).
Valérie Demierre/cab
Le droit de résidence
Si plusieurs pays vendent leur passeport, ils sont encore plus nombreux à octroyer un droit de résidence.
Le Canada, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Portugal, les Pays-Bas, la Grèce, Monaco, la Lettonie, l'Australie, Hong Kong, la Malaisie ou la Thaïlande proposent notamment un droit de résidence provisoire à condition qu'un investissement soit consenti dans le pays.
Un droit de séjour permanent est même proposé en Espagne et en Hongrie sous certaines conditions.
A chaque fois, un investissement de plusieurs centaines de milliers de francs est demandé.
Le cas de la Suisse
En Suisse, si les cantons jugent les rentrées fiscales potentiellement intéressantes, ils peuvent invoquer un "intérêt public majeur" - comme le stipule l'article 30 de la Loi sur les étrangers - et accorder une dérogation aux conditions d'admissions en Suisse pour les riches étrangers.
Ainsi, en 2016, 523 individus aisés provenant de pays hors Union européenne ont pu "acheter" leur permis B. Après cinq ans de résidence, leur permis de séjour se transforme facilement en permis C, soit une autorisation d’établissement, avait révélé la presse alémanique en février dernier.
Les nantis étrangers peuvent espérer obtenir le précieux sésame pour environ 50'000 francs, versés à des entreprises spécialisées dans les négociations fiscales avec les autorités suisses.
Les Russes (165) ont été les plus nombreux à obtenir un permis B en 2016 pour des raisons d'"intérêt public majeur", suivis des Turcs (36) et des Américains (21).