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Les Etats-Unis se sont imposés comme grande puissance grâce au canal de Panama

Le canal de Panama élargi, le 26 juin 2016. [Keystone / Panama Canal Authority]
Panama, un canal au défi / Geopolitis / 14 min. / le 25 juin 2017
La réalisation du canal de Panama par les Américains en 1914 a permis aux Etats-Unis de s'imposer comme une grande puissance. L'élargissement du canal un siècle plus tard replace le Panama au carrefour du trafic maritime mondial.

Le 15 août 1914, le canal de Panama relie enfin l'océan Atlantique et le Pacifique, après plus de 30 ans de travaux titanesques. Ce défi colossal pour l'époque révolutionne le trafic maritime pour les Américains.

"Il y a une véritable exigence militaire et politique de construire ce canal pour les Etats-Unis", souligne le professeur d'histoire Laurent Tissot dans Géopolitis. "Entre l'est et l'ouest, il y a 4000 kilomètres. Avec deux marines, cela nécessitait un passage qui évitait le Cap Horn".

Le gain est effectivement considérable. Pour relier New York à San Francisco, via le Cap Horn, le trajet représente plus de 22'000 kilomètres. Par Panama, à peine plus de 9000 kilomètres.

Le canal de Panama permet aux Américains de raccourcir considérablement la route maritime qui relie l'océan Atlantique et le Pacifique. [DR]
Le canal de Panama permet aux Américains de raccourcir considérablement la route maritime qui relie l'océan Atlantique et le Pacifique. [DR]

Les Américains supplantent les Français

Le président américain Theodore Roosevelt fait du canal de Panama un instrument de l'impérialisme américain. "Au 19e siècle, les Etats-Unis ne représentent qu'une puissance secondaire. Ils doivent notamment résoudre des problèmes intérieurs avec la guerre civile. Mais au début du 20e siècle, les Etats-Unis se conçoivent comme une grande puissance", rappelle Laurent Tissot.

Le canal de Panama était tout d'abord un projet français. C'est l'ingénieur Ferdinand de Lesseps, le héros du canal de Suez, qui démarre ce projet pharaonique en 1880. Mais le chantier se révèle bien plus complexe qu'en terres égyptiennes. Des milliers d'ouvriers y perdent la vie, emportés par la fièvre jaune et la malaria. Glissements de terrains et inondations se succèdent, jusqu'à la faillite retentissante du projet français. A cette débâcle financière s’ajoute la corruption de responsables politiques. L'affaire de Panama est considérée comme le plus grand scandale financier du 19e siècle en France.

La reprise du projet par les Etats-Unis intervient après novembre 1903, alors que le Panama accède à son indépendance et se sépare de la Colombie. Les Américains, qui avaient soutenu, même inspiré, le coup d'Etat, obtiennent une concession à perpétuité sur la zone du canal.

Souveraineté panaméenne dès 1999

En 1977, après un large mouvement de contestation, le général panaméen Omar Torrijos et le président des Etats-Unis Jimmy Carter scellent la rétrocession de la zone du canal au Panama. Une souveraineté retrouvée qui ne sera effective qu'en 1999, après près d’un siècle de domination américaine. "On peut dominer commercialement sans forcément avoir une mainmise militaire sur le territoire en question", note Laurent Tissot. L'accord de rétrocession prévoit d'ailleurs qu'"en cas de problème ou de fermeture du canal, l'armée américaine puisse intervenir", relève-t-il.

Dès les années 2000, le Panama doit affronter un nouveau défi. La taille des navires marchands s’accroît, le trafic s’accélère, rendant indispensable l'élargissement du canal. Près de 5,4 milliards de dollars y ont été consacrés. Le pays espère ainsi tripler ses recettes, qui lui rapportent plus d'un milliard de dollars par an, soit 4,5% de son PIB.

L'objectif est le contrôle des routes commerciales et de concurrencer le canal de Suez. Le passage égyptien, qui a lui aussi doublé ses capacités de transit, peut accueillir des navires plus imposants. Laurent Tissot pointe les "inquiétudes" toujours plus grandes des Panaméens. "L'hypothèque de Panama se trouve dans une interrogation: jusqu'à quand va-t-on construire de plus grands bateaux?" Les plus gros construits récemment embarquent plus de 20'000 containers.

Mélanie Ohayon

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