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Le caméraman raconte l'interview qui a confondu le SS Klaus Barbie en 1972

Ce que vous venez d'entendre, c'est la voix du "Boucher de Lyon": Klaus Barbie, interviewé en 1972 en Bolivie par une équipe de télévision française... Une interview restée célèbre, car c'est grâce à elle que l'ancien officier SS a pu être démasqué, arrêté... Et finalement condamné, le 3 juillet 1987, il y a presque exactement 30 ans.

Nous vous proposons ce soir un témoignage: celui de Christian Van Ryswyck, qui était présent lors de l'interview de Klaus Barbie. [YouTube]
Comment une interview télévisée a fait condamner l’ancien officier nazi Klaus Barbie / Forum / 10 min. / le 6 juillet 2017
En 1972, une équipe de télévision française rencontre l’ancien officier SS Klaus Barbie, qui se cache en Bolivie. Christian Van Ryswyck, caméraman de cette interview qui a permis ensuite la condamnation du SS, témoigne dans Forum.

"Ah oui, on était conscient à 100% de l'importance du moment, c'était historique", se souvient Christian Van Ryswyck. Le caméraman était aux côtés du journaliste Ladislas de Hoyos lors de l'interview qui a permis de démasquer, arrêter et finalement condamner pour crime contre l’humanité Klaus Barbie, qui vivait sous une fausse identité en Bolivie, celle de Klaus Altmann.

"Ca a été toute une aventure, vraiment extraordinaire. Deux ou trois jours après notre arrivée en Bolivie, Ladislas de Hoyos a eu un contact assez mystérieux avec une femme qui lui a dit qu'elle pouvait arranger moyennant finances une rencontre avec Klaus Barbie. Ladislas de Hoyos a réglé cette intermédiaire et la rencontre a pu avoir lieu."

L'interview décrochée, les conditions sont très strictes. Le journaliste s'engage à faire l'interview en espagnol, il soumet ses questions au préalable et le tout se déroule sous la garde de nombreux officiers boliviens.

Arrive Klaus Altmann, petit bonhomme un peu frippé, mais toujours avec un regard perçant.

Christian Van Ryswyck

"L'entretien avance et tout d'un coup changement de programme! Ladislas de Hoyos l'attaque en allemand. Alors là, c'est la panique... les officiers boliviens commencent à faire les yeux ronds, ils ne comprennent bien sûr plus rien. Mais Ladislas poursuit en allemand et lui montre les photos. Il lui fait répéter des phrases en français..."

C'est absolument surréaliste, je me rend compte qu'on est en train de vivre un moment historique.

Christian Van Ryswyck

Christian Van Ryswyck ne pense pas que Klaus Barbie s'est rendu compte que ses empreintes déposées sur ces photos le confondraient. En revanche, "le fait que Ladislas de Hoyos l'ait attaqué en allemand, c'est sûr que ça a été certainement un choc pour lui."

Puis la caméra s'arrête

"C'est là que je prends les affaires en main, parce que je me rends compte que c'est de la dynamite!" Le caméraman se doute qu'il a peu de temps avant que les officiels boliviens réagissent. "Un type était là, c'était le consul de France à La Paz. Je lui ai mis les boîtes dans un imperméable et je lui ai dis 'tire-toi avec les bobines et va à l'ambassade'."

Christian Van Ryswyck a vu juste: peu après, un officier bolivien lui réclame les bobines. "Le ton est monté, je leur ai donné deux bobines vierges et le temps qu'ils les développent on était partis."

Propos recueillis par Chrystel Domenjoz et Christian Favre

Adaptation web: Lara Gross avec Renaud Malik

Publié Modifié

"sa trace retrouvée... c'est la chasseuse de nazis et son mari le chasseur de nazis Beate et Serge Klarsfeld qui ont continué à le pourchasser et qui ont eu connaissance de sa trace en Bolivie."
comment décroche l'interview
"Ca a été toute une aventure, ça a vraiment été extraordinaire. D'abord il était au Chili donc on est allé au Chili sachant qu'on était un peu derrière lui il est reparti en Bolivie. On est arrivé en Bolivie et là Beate Klarsfeld était là mais on n'a pas vraiment eu de contacts avec elle. Et à un moment, deux ou trois jours après notre arrivée Ladislas de Hoyos a eu un contact assez mystérieux avec une femme qui lui a dit moi si vous voulez je peux vous arranger moyennant finances une rencontre avec Klaus Barbie. Alors on a d'abord posé des questions à Paris si on pouvait engager des sous il ne s'agissait pas d'une grosse somme, mais à l'époque on pouvait pas sortir de l'argent comme ça. Ladislas de Hoyos a réglé cette intermédiaire et la rencontre a pu avoir lieu."
pourquoi Barbie accepte alors qu'il est recherché
"Alors il y a plusieurs explications, il parait qu'il n'avait plus d'argent alors qu'une partie de cet argent que nous avions versé allait pouvoir l'aider à payer ses faux frais en prison parce qu'il était je crois me souvenir qu'il était en prison à cette époque en Bolivie. Et puis je crois qu'il était un peu desespéré il a fait plusieurs interviews même à des télévisions étrangères je crois qu'il avait confiance en lui il avait tellement réussi de passe-passe dans sa vie il pensait qu'il avait la baraka."
comment se passe l'interview
"D'abord c'est impressionant il y a tout un aéropage d'officiers de militaires de généraux qui sont là qui lui tiennent la main. Ladislas de Hoyos s'est engagé à faire l'interview en espagnol il a soumis au préalable les questions et donc arrive Altmann puisqu'il se fait appeler Altmann. Petit bonhomme un peu frippé mais toujours avec un regard perçant des yeux qui brillent et l'interview commence.
c'était scénarisé la manière de préparer l'interview
Vous savez Ladislas de Hoyo c'était son premier grand reportage il arrivait sur TF1 il était grand reporter à France soir, c'était la vedette de France soir, il arrivait à TF1 je sais pas si c'était TF1 il arrivait sur la chaine auréolé de son titre de grand reporter et on part sur ce reportage c'était pour lui la première fois qu'il faisait un reportage en télévision il avait l'habitude de faire de la presse écrite donc c'est pas du tout la même chose la télévision c'est lourd il y a une équipe donc ça commence et il commence à l'embobiner gentiment en lui disant oh vous savez moi je suis là pas pour vous enfoncer je suis là pour que vous nous expliquiez etc etc et l'interview avance et tout d'un coup changement de programme Ladislas de Hoyos l'attaque en allemand. Alors là panique partout je regarde à droite je regarde à gauche je commence à voir les officiers boliviens qui commencent à faire les yeux ronds ils comprennent bien sûr plus rien et il l'attaque en allemand et c'est à ce moment là qu'il lui montre les photos c'est à ce moment là qu'il lui fait répéter des phrases en français ou là c'est absoluement surréaliste Ladislas de Hoyos est vraiment super super gonflé c'est étonnant les questions qu'il ose lui poser. (...) c'est surréaliste moi je me rend compte qu'on est en train de vivre un moment historique.
tend photo Jean Moulin sans savoir la suite, empreinte
Ladislas de Hoyo n'est pas un enfant de coeur il a prévu le coup tout de même donc il a emmené ces photos qu'il avait soigneusement gardé dans une chemise bien à l'abri bien protégée et quand il les a présentées les seules empreintes qui étaient sur les photos c'étaient celles de Altmann et en fait celles de Barbie.
Résignation de Barbie..
Oui et non je crois qu'au niveau des empreintes sur les photos il n'y a pas pensé ou il a pas imaginé qu'on pouvait le faire. Maintenant le fait que Ladislas de Hoyo l'ait attaqué en allemand c'est sûr que ça a été certainement un choc pour lui
qu'est-ce qui se passe quand la caméra s'arrête
C'est là que je prend un peu les affaires en main parce que je me rend compte que c'est de la dynamite et qu'il ne va pas se passer beaucoup de temps avant que les officiels boliviens réagissent. On met les films dans des boîtes et était là un type genre parachutiste de choc qui en fait étaient consul de France à La Paz vachement sympa et je lui met ça dans un imperméable et je lui dis tire toi prend les bobines et va à l'ambassade. Donc il prend les bobines et part à l'ambassade. Je dis à Ladislas va-t-en c'est bon rentre à l'hôtel. Et ca n'a pas manqué dix minutes après on rangeait les caméras les lumières il y a un officier bolivien qui vient me voir en me disant ah mon ami vous savez qu'on a un laboratoire couleur très perfectionné on aimerait bien pouvoir développer les films pour voir parce que tout de même il y a eu une passage en allemand le ton est monté je leur ai donné deux bobines vierges et le temps qu'ils les développent on était parti.
grâce à ça ...
Oui je m'en souvient, un soulagement quand même de voir que tout de même des années plus tard il y avait une sanction mais ça a été tout de même long très long mais l'important c'étati que ça arrive

conscience imporatnte interview
ah oui on était consient à 100% de l'importance du moment c'était historique c'était tellement historique que l'ambassadeur a pris tout d suite les bobines en valises diplomatique et a pris un avion direction la France. Contrat sur nos têtes.


C’est une interview historique: en 1972, une équipe de television française rencontre Klaus Barbie, alias Klaus Altmann, en Bolivie où l’ancien officier SS se cache.
Historique, car c’est grâce à cet entretien que le Boucher de Lyon a pu être démasqué, arrêté et finalement condamné pour crime contre l’humanité il y a Presque exactement 30 ans.
Christian Van Ryswyck tenait la camera. Il témoigne ce soir dans Forum des circonstances rocambolesques de cette interview.

Ce que vous venez d'entendre, c'est la voix du "Boucher de Lyon": Klaus Barbie, interviewé en 1972 en Bolivie par une équipe de télévision française... Une interview restée célèbre, car c'est grâce à elle que l'ancien officier SS a pu être démasqué, arrêté... Et finalement condamné, le 3 juillet 1987, il y a presque exactement 30 ans.

Nous vous proposons ce soir un témoignage: celui de Christian Van Ryswyck, qui était présent lors de l'interview de Klaus Barbie.

Bonsoir monsieur!

Merci d'avoir accepté de nous raconter ce moment d'histoire.

ça se passe donc à La Paz, en Bolivie, le 3 février 1972. A l'époque Klaus Barbie vit là-bas sous une fausse identité, il se fait appeler Klaus Altmann, il dirige une entreprise d'exportation de bois... D'abord, comment avez-vous retrouvé sa trace?
"sa trace retrouvée... c'est la chasseuse de nazis et son mari le chasseur de nazis Beate et Serge Klarsfeld qui ont continué à le pourchasser et qui ont eu connaissance de sa trace en Bolivie."
comment décroche l'interview
"Ca a été toute une aventure, ça a vraiment été extraordinaire. D'abord il était au Chili donc on est allé au Chili sachant qu'on était un peu derrière lui il est reparti en Bolivie. On est arrivé en Bolivie et là Beate Klarsfeld était là mais on n'a pas vraiment eu de contacts avec elle. Et à un moment, deux ou trois jours après notre arrivée Ladislas de Hoyos a eu un contact assez mystérieux avec une femme qui lui a dit moi si vous voulez je peux vous arranger moyennant finances une rencontre avec Klaus Barbie. Alors on a d'abord posé des questions à Paris si on pouvait engager des sous il ne s'agissait pas d'une grosse somme, mais à l'époque on pouvait pas sortir de l'argent comme ça. Ladislas de Hoyos a réglé cette intermédiaire et la rencontre a pu avoir lieu."
pourquoi Barbie accepte alors qu'il est recherché
"Alors il y a plusieurs explications, il parait qu'il n'avait plus d'argent alors qu'une partie de cet argent que nous avions versé allait pouvoir l'aider à payer ses faux frais en prison parce qu'il était je crois me souvenir qu'il était en prison à cette époque en Bolivie. Et puis je crois qu'il était un peu desespéré il a fait plusieurs interviews même à des télévisions étrangères je crois qu'il avait confiance en lui il avait tellement réussi de passe-passe dans sa vie il pensait qu'il avait la baraka."
comment se passe l'interview
"D'abord c'est impressionant il y a tout un aéropage d'officiers de militaires de généraux qui sont là qui lui tiennent la main. Ladislas de Hoyos s'est engagé à faire l'interview en espagnol il a soumis au préalable les questions et donc arrive Altmann puisqu'il se fait appeler Altmann. Petit bonhomme un peu frippé mais toujours avec un regard perçant des yeux qui brillent et l'interview commence.
c'était scénarisé la manière de préparer l'interview
Vous savez Ladislas de Hoyo c'était son premier grand reportage il arrivait sur TF1 il était grand reporter à France soir, c'était la vedette de France soir, il arrivait à TF1 je sais pas si c'était TF1 il arrivait sur la chaine auréolé de son titre de grand reporter et on part sur ce reportage c'était pour lui la première fois qu'il faisait un reportage en télévision il avait l'habitude de faire de la presse écrite donc c'est pas du tout la même chose la télévision c'est lourd il y a une équipe donc ça commence et il commence à l'embobiner gentiment en lui disant oh vous savez moi je suis là pas pour vous enfoncer je suis là pour que vous nous expliquiez etc etc et l'interview avance et tout d'un coup changement de programme Ladislas de Hoyos l'attaque en allemand. Alors là panique partout je regarde à droite je regarde à gauche je commence à voir les officiers boliviens qui commencent à faire les yeux ronds ils comprennent bien sûr plus rien et il l'attaque en allemand et c'est à ce moment là qu'il lui montre les photos c'est à ce moment là qu'il lui fait répéter des phrases en français ou là c'est absoluement surréaliste Ladislas de Hoyos est vraiment super super gonflé c'est étonnant les questions qu'il ose lui poser. (...) c'est surréaliste moi je me rend compte qu'on est en train de vivre un moment historique.
tend photo Jean Moulin sans savoir la suite, empreinte
Ladislas de Hoyo n'est pas un enfant de coeur il a prévu le coup tout de même donc il a emmené ces photos qu'il avait soigneusement gardé dans une chemise bien à l'abri bien protégée et quand il les a présentées les seules empreintes qui étaient sur les photos c'étaient celles de Altmann et en fait celles de Barbie.
Résignation de Barbie..
Oui et non je crois qu'au niveau des empreintes sur les photos il n'y a pas pensé ou il a pas imaginé qu'on pouvait le faire. Maintenant le fait que Ladislas de Hoyo l'ait attaqué en allemand c'est sûr que ça a été certainement un choc pour lui
qu'est-ce qui se passe quand la caméra s'arrête
C'est là que je prend un peu les affaires en main parce que je me rend compte que c'est de la dynamite et qu'il ne va pas se passer beaucoup de temps avant que les officiels boliviens réagissent. On met les films dans des boîtes et était là un type genre parachutiste de choc qui en fait étaient consul de France à La Paz vachement sympa et je lui met ça dans un imperméable et je lui dis tire toi prend les bobines et va à l'ambassade. Donc il prend les bobines et part à l'ambassade. Je dis à Ladislas va-t-en c'est bon rentre à l'hôtel. Et ca n'a pas manqué dix minutes après on rangeait les caméras les lumières il y a un officier bolivien qui vient me voir en me disant ah mon ami vous savez qu'on a un laboratoire couleur très perfectionné on aimerait bien pouvoir développer les films pour voir parce que tout de même il y a eu une passage en allemand le ton est monté je leur ai donné deux bobines vierges et le temps qu'ils les développent on était parti.
grâce à ça ...
Oui je m'en souvient, un soulagement quand même de voir que tout de même des années plus tard il y avait une sanction mais ça a été tout de même long très long mais l'important c'étati que ça arrive

conscience imporatnte interview
ah oui on était consient à 100% de l'importance du moment c'était historique c'était tellement historique que l'ambassadeur a pris tout d suite les bobines en valises diplomatique et a pris un avion direction la France. Contrat sur nos têtes.
Propos recueillis par Chrystel Domenjoz et Christian Favre
Adaptation web: Lara Gross

"Le boucher de Lyon" protégé par les Américains

Klaus Barbie, ancien chef de la Gestapo de Lyon et responsable de la déportation de centaines de Juifs, était surnommé "le boucher de Lyon".

Condamné à perpétuité pour crimes contre l'humanité en juillet 1987 en France, Klaus Barbie, qui fut notamment à l'origine de l'arrestation et de la torture de nombreux résistants français, dont Jean Moulin, avait été extradé quatre ans auparavant de Bolivie.

L'ancien SS avait bénéficié après la guerre de la protection des Américains qui le considéraient comme un bon agent de la lutte anticommuniste. Il collabora avec les services secrets américains jusqu'en 1951, date à laquelle il dut s'enfuir au Pérou.

Il est mort en prison en France en 1991.