Le procès a démarré lundi matin avec la déclinaison de l'identité des accusés, accueillis dans la salle d'audience par des applaudissements de la foule venue les soutenir.
Au total, 17 journalistes, dirigeants et autres collaborateurs actuels ou passés de Cumhuriyet, un quotidien très critique du président turc Recep Tayyip Erdogan, sont jugés.
Certains des plus grands noms du journalisme turc figurent parmi les accusés. Parmi eux, onze sont en détention préventive, la plupart depuis près de neuf mois.
Accusés de soutenir des organisations terroristes
Ils sont accusés d'avoir aidé une ou plusieurs "organisations terroristes", selon l'acte d'accusation, qui cite les séparatistes kurdes du PKK, un groupuscule d'extrême gauche appelé DHKP-C et le mouvement du prédicateur exilé aux Etats-Unis Fethullah Gülen, accusé d'avoir fomenté le putsch manqué de l'été dernier (ce que l'intéressé nie).
L'acte d'accusation ajoute encore qu'ils s'en sont pris au président turc avec des "méthodes de guerre asymétrique". L'accusation réclame jusqu'à 43 ans de prison pour les accusés.
Accusations rejetées
Des "accusations imaginaires", selon Cumhuryiet. "Je ne suis pas ici parce que j'ai, en connaissance de cause, aidé une organisation terroriste, mais parce que je suis un journaliste indépendant, curieux et critique", a déclaré à la cour l'un des accusés, l'éditorialiste Kadri Gürsel.
Cumhuriyet "n'a ni relation, ni contact, ni de liens avec des organisations interdites, le terrorisme, des groupes terroristes. La seule activité que mène ce journal, c'est du journalisme", a renchéri au tribunal son patron Akin Atalay, qui fait lui aussi partie des accusés.
Des messages diffusés sur les réseaux sociaux constituent l'essentiel des pièces de l'accusation, qui s'appuie aussi sur des contacts présumés entre des journalistes et des utilisateurs de l'application ByLock, une messagerie cryptée utilisée, selon le gouvernement turc, par les réseaux gülénistes.
"Le journalisme n'est pas un crime"
Cumhuriyet est soutenu par des associations de défense des droits de l'homme. De nombreuses personnes, dont des journalistes et des députés de l'opposition, s'étaient rassemblées devant le tribunal dans la matinée, procédant à un lâcher de ballons multicolores et scandant: "la presse libre ne peut être réduite au silence" ou encore "le journalisme n'est pas un crime".
afp/ptur/ta
Près de 150 organes de presse ont fermé en Turquie en un an
Dans un communiqué publié vendredi, l'organisation Reporters sans Frontières (RSF) a annoncé le lancement d'une pétition pour appeler la justice à abandonner les poursuites et à remettre en liberté les journalistes emprisonnés. "Le procès de Cumhuriyet est celui du journalisme en Turquie", a dénoncé Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF.
Depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016, quelque 150 organes de presse ont été fermés et 160 journalistes environ se trouvent derrière les barreaux, selon
l'Association des journalistes turcs.