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Peter Maurer: "Je vois difficilement un consensus possible au Yémen"

Peter Maurer se montre pessimiste sur une solution politique au Yémen
Peter Maurer se montre pessimiste sur une solution politique au Yémen / L'actu en vidéo / 4 min. / le 3 août 2017
De retour d'un voyage au Yémen, le président du CICR Peter Maurer dresse jeudi pour le 19h30 un tableau catastrophique pour les civils, avec des belligérants qui campent sur des "positions figées".

Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) évoque le cas du Yémen, où la guerre, la famine et le choléra font rage. Il y a rencontré les différentes parties au conflit et communautés pour discuter de la situation humanitaire. Il dresse un tableau dramatique de la situation. Entretien.

- Quelle est la situation des civiles que vous avez constatez sur place?

- Peter Maurer: C’est l’épidémie de choléra qui nous a fait doubler notre budget durant ces trois derniers mois. C'est aussi ce qui m’a poussé à aller sur place pour voir comment tenter de résoudre ces problèmes. Et il est clair que ce sont les attaques contre les installations hospitalières et les distributions d'eau, qu'on a vu se multiplier, qui créent un environnement extrêmement difficile pour les populations civiles. Sans oublier le dysfonctionnement des services publics, qui entraînent une accumulation des déchets dans toutes les villes. On ne meurt pas tellement des attaques directes de la guerre, mais plutôt des effets indirects: la désintégration de l'économie, la désintégration totale des services sociaux et des services de santé, dans des dimensions qu'on n'a pas vues depuis longtemps au Yémen.

- Les attaques contre les hôpitaux et contre les centres de pompage d'eau sont des violations des Conventions de Genève. Qui en est responsable?

- Toutes les parties. Il y a énormément de parties au conflit au Yémen. Si les violations ne sont pas exactement les mêmes, tous les jours de tous les côtés, il est clair aussi que tous les côtés sont responsables. C'était l'un des grands thèmes de ce voyage. C'est-à-dire l'engagement avec tous les belligérants pour les rendre attentifs qu'on ne peut pas tout simplement augmenter notre action humanitaire au Yémen; il faut aussi qu'eux changent de comportement.

- Le Yémen est complètement coupé du monde. Comment vos équipes arrivent-elles à travailler sur place?

- Il faut parler à tout le monde et négocier les accès. On arrive quand-même à maintenir aujourd'hui la troisième plus importante opération du CICR au monde, donc on a une certaine capacité à négocier ces accès. Cela dit, dans le travail de tous les jours, cela reste une opération difficile parce qu'il y a une guerre qui est en train de se dérouler, avec une multiplication d'acteurs et je vois quelle difficulté nous avons eue, même avec ma présence, d’entrer dans une ville comme Taez, assiégée depuis plus de deux ans.

- Une solution politique est-elle aujourd'hui envisageable?

- Elle est souhaitable, mais j'ai quelques doutes sur une solution politique dans un avenir proche, après avoir entendu les belligérants, qui campent sur des positions extrêmes figées. Mais il est clair qu'aujourd'hui, la région et le Yémen n'arrivent probablement pas, à eux seuls, à trouver une solution. Cela fait des dizaines d'années que le CICR est actif dans ce conflit, qui s'est maintenant internationalisé, avec la participation des pays voisins et de l'alliance contre les Houthis dans la région. Dans cette constellation entre sunnites et chiites, entre tribus, entre ceux qui veulent un Yémen unifié et ceux qui veulent une séparation, je vois difficilement un consensus possible. Donc le consensus doit d'abord se créer sur certains éléments humanitaires minimaux. C'est ce qu'on essaie de faire tous les jours au Yémen.

Propos recueillis par Marc Allgöwer

Réalisation web: Feriel Mestiri

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