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Pour agir au Proche-Orient, "il faut maintenir sa capacité d'indignation"

Pierre Krähenbühl, commissaire général de l'UNRWA. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
L'invité de la rédaction - Pierre Krähenbühl / Le Journal du matin / 14 min. / le 9 août 2017
Engagé pour venir en aide aux réfugiés palestiniens au Proche-Orient, le Suisse Pierre Krähenbühl, commissaire général de l'office onusien de l'UNRWA, évoque la problématique délicate de la neutralité.

Plus de cinq millions de réfugiés palestiniens sont actuellement disséminés dans cinq pays, et la plupart vivent grâce à l’aide de l'UNRWA, l'office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient.

"Nous sommes au coeur des conséquences humaines de situations politiques extrêmement polarisées", explique son commissaire général, le Suisse Pierre Krähenbühl, mercredi dans le Journal du matin de la RTS.

"Il faut maintenir sa capacité d'indignation" pour agir au coeur du "chaudron proche-oriental", estime-t-il.

Un biais pro-palestinien?

Mais l'UNRWA fait notamment l'objet de critiques israéliennes, qui l'accusent par exemple de prosélytisme anti-israélien dans les écoles dont elle s'occupe.

Pierre Krähenbühl réfute tout biais pro-palestinien. Mais l'UNRWA peut-elle vraiment rester neutre? "Oui, et on le doit", insiste son directeur. "L'UNRWA est la seule agence des Nations unies ayant pour mandat de s'occuper d'une seule communauté. Dans un environnement polarisé, cela va être observé", reconnaît-il.

"En tant que citoyen suisse, les gens pensent que l'on naît neutre. (...) J'ai mes émotions face à l'injustice et à la souffrance. Mais je me suis engagé sur la base de la neutralité car le fait de ne pas choisir un camp, de ne pas m'exprimer sur les divergences politiques, me permet de réaliser plus pour les populations pour lesquelles je m'engage", explique-t-il.

"Pas un médiateur"

"Il y a une responsabilité palestinienne", notamment sur le plan de la division entre le Hamas qui gère Gaza, et l'Autorité palestinienne qui dirige la Cisjordanie, "et cela a un impact sur les réfugiés", reconnaît cependant Pierre Krähenbühl. Il se défend toutefois de jouer les médiateurs. "La dimension politique ne fait pas partie de notre mandat", souligne-t-il.

jvia

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Déception envers la politique la diplomatie

Dans le conflit israélo-palestinien, "la solution à deux Etats reste celle mise en avant par les Nations unies et l'essentiel de la communauté internationale", souligne Pierre Krähenbühl.

"Mais on s'en éloigne, car émotionnellement, les gens sur place se disent qu'ils n'ont rien vu progresser en termes concrets", reconnaît-il. "Dans les territoires palestiniens, la génération qui a moins de 23 ans est née après les accords d'Oslo. Leurs dirigeants et la communauté internationale leur répètent que s'ils soutiennent les perspectives de négociation et de diplomatie, ils auront une solution. Mais ils ont vu que l'on ne peut pas faire confiance à ce type de déclarations", regrette le commissaire général.

A son sens, il est problématique pour la stabilité de la région que toute une génération se dise que "finalement, la politique et la diplomatie ne marchent pas".