Initié en juillet, le déclin de la vague migratoire en Italie s'est confirmé en août. Il s'est même fortement accéléré, puisque les chiffres du Haut Commissariat pour les réfugiés, publiés début septembre, montrent une chute de 82% du nombre d'arrivées de migrants par la mer.
Alors qu'ils étaient plus de 21'000 à avoir traversé la Méditerranée en août 2016, leur nombre est tombé à 3813 le mois dernier, soit environ cinq fois moins. Cette baisse, la plus importante depuis quatre ans, découle principalement de la diminution des départs à partir de la Libye, principale route pour l'Europe.
Soutien aux gardes-côtes libyens
Comment expliquer cette chute soudaine des flux migratoires depuis la Libye? D'une part, l'accord entre l'Italie, appuyée par l'Union européenne, et le gouvernement libyen de Fayez al-Sarraj semble porter ses fruits.
En échange de financement, formation et matériel, la Libye s'est engagée à renforcer les contrôles à ses frontières sud, à améliorer les conditions dans les centres de détention et à bloquer les départs de migrants. Tripoli a notamment créé en août une zone de recherche et sauvetage au large de ses côtes, interdite aux ONG, afin d'intercepter les embarcations et les reconduire dans le pays.
Milices payées par l'Italie?
Mais une enquête de l'agence Associated Press (AP) avance une autre explication. Elle révèle que le gouvernement libyen rémunère des milices armées, qui étaient jusque-là impliquées dans le trafic de migrants, afin qu'elles empêchent les départs, notamment à Sabratha. De plus, des sources citées par l'agence affirment que l'Italie négocierait directement avec ces groupes armés, ce que Rome dément.
Que les milices soient payées directement par l'Italie ou pas, elles pourraient profiter de la situation pour renforcer leur pouvoir et le chaos dans le pays. "Nous allons faire face à une situation encore plus dangereuse", a déclaré à AP un responsable de la sécurité à Sabratha.
Pour l'heure, des centaines de milliers de migrants resteraient bloqués en Libye. Fin août, un rapport de l'ONU rappelait qu'ils y subissent des "violences extrêmes", faisant référence au travail forcé, aux détentions arbitraires et aux viols.
Valentin Tombez
Plusieurs ONG suspendent leurs sauvetages
Mi-août, des organisations humanitaires, dont Médecins sans Frontières, ont suspendu leurs opérations de sauvetage en Méditerranée en raison de menaces des garde-côtes libyens. Lundi, l'ONG maltaise Migrant Offshore Aid Station est venue s'ajouter à la liste.
Ces annonces sont intervenues alors que le gouvernement italien, qui accuse certaines ONG d'encourager l'immigration illégale, leur a imposé la signature d'un code de conduite. Celui-ci prévoit notamment l'interdiction d’entrer dans les eaux libyennes et la présence d'un officier de police italien à bord de des bateaux d'intervention.