Quand éclate la crise financière en 2009, la Grèce se retrouve brutalement en difficulté, au bord de la faillite. 320 milliards d'euros de dettes, près de 180% du PIB national, les chiffres donnent le vertige.
Pour obtenir l'aide de l'Union européenne et du FMI, le pays a donc dû se plier à une sévère cure d'austérité. "L'Allemagne a insisté pour que tout le poids de la correction soit porté par la Grèce", souligne le professeur d'économie Charles Wyplosz. "Cela a mené à une explosion du chômage, des milliers de fermetures d'entreprises, des désespoirs, des suicides. Tout cela n'était pas nécessaire".
Cette rigueur portée par la chancelière allemande Angela Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble est à contre-courant, selon lui, des enseignements de la crise de 1929-1930: "L'Allemagne a non seulement écrasé des pays dans des difficultés extrêmes, mais elle a essayé de forcer les pays à corriger rapidement leurs déficits budgétaires".
Le gouvernement allemand et le gouvernement français ont fait tout ce qu'ils ont pu pour protéger leurs banques.
"Le gouvernement allemand et le gouvernement français ont tout fait pour faire porter 100% du poids à la population grecque", poursuit Charles Wyplosz. "Or, Les banques allemandes et françaises ont beaucoup prêté à la Grèce, et normalement, lorsqu'un emprunteur ne peut pas payer, c'est le prêteur qui subit le coût".
Il déplore la "vision juridico-dogmatique" allemande qui a pourtant réussi à s'imposer à toute l'Europe. Il cite sur ce point l'absence de vision au niveau européen. "La France en particulier ne comprenait pas ce qu'il se passait".
L'exception allemande
Avec son excédent commercial record de plus de 250 milliards d'euros en 2016 et un chômage qui tombe sous la barre des 4% en 2017, l'Allemagne s'en sort mieux que ses voisins. Pourquoi la croissance du pays est-elle une exception européenne depuis 2009? "Elle était au bon endroit, avec les bons produits", résume Charles Wyplosz. "Les Chinois et les Asiatiques voulaient des produits chers et de qualité, comme les voitures allemandes. Cela a permis à l'Allemagne d'absorber le choc de la grande crise financière", conclut-il.
Une Allemagne où il fait bon vivre, promet Angela Merkel à ses électeurs. Sauf un improbable accident, ils lui renouvelleront leur confiance le 24 septembre, pour la quatrième fois chancelière, à la tête de la quatrième puissance économique du monde.
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Mélanie Ohayon, Marcel Mione