Figure nationale en Italie, où il est le plus jeune vice-président de la Chambre des députés, Luigi Di Maio a été élu, à 31 ans, chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5E) lors d'un scrutin sur internet caractéristique de la démocratie en ligne participative prônée dès la première heure par l'humoriste Beppe Grillo et l'informaticien Gianroberto Casaleggio, décédé en 2016.
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Le vote n'a toutefois mobilisé que 37'000 inscrits sur 130'000 ayants droit. Le signe d'un désintérêt des militants de ce mouvement qui, depuis 2013, bouleverse le paysage politique italien sur le plan national?
"Malgré les critiques, le Mouvement 5 étoiles est toujours crédité de 30% des voix dans les sondages", observe Hervé Rayner, politologue à l'Université de Lausanne, interrogé par RTSinfo. "La loi électorale pour les prochaines législatives n'a pas encore été votée. Il est donc difficile d'estimer la place que la formation de Di Maio prendra dans un futur gouvernement et ce d'autant que le mouvement refuse jusqu'ici toute coalition", estime ce spécialiste de l'Italie contemporaine.
Le défi de l'institutionnalisation
Si une alliance gauche-droite devait être reconduite, le Mouvement 5 étoiles aurait alors beau jeu de s'affirmer comme principale force d'opposition, ce qui lui laisserait le temps de se consolider, poursuit Hervé Rayner. Car c'est bien dans son institutionnalisation que se trouve le véritable défi pour la troisième force politique du pays.
Né en réaction à la droite de Silvio Berlusconi et à la gauche modérée incarnée aujourd'hui par Matteo Renzi, le Mouvement 5 étoiles s'est caractérisé jusqu'ici par un culte autour de la personnalité de Beppe Grillo et le recours à des consultations populaires directes par internet. Des méthodes en rupture avec la politique traditionnelle qui ont aussi leurs limites, comme le rappelle le documentaire "Beppe Grillo - 5 étoiles pour l'Italie" diffusé par la RTS.
Changement de style
Après les années Grillo, l'élection à 83% des suffrages d'un Luigi Di Maio élégant, omniprésent dans les médias et désireux d'arrondir les angles - là où son prédécesseur était volontiers provocateur - marque donc un tournant. Mais ne fait pas l'unanimité.
Le leadership de Luigi Di Maio démontre que le Mouvement 5 étoiles est désormais une créature morte
"Un jour il est contre l'euro, le lendemain il dit que ce n'est pas vrai. Il se contredit continuellement. Cela montre que le Mouvement 5 étoiles est entré dans le club des vieux partis italiens", regrettait par exemple Nicola Biondo dans l'émission Tout un monde. Auteur de "Supernova, comment le Mouvement 5 étoiles a été tué", ce militant des débuts déplore que l'idée originelle du parti - à savoir être un groupe de pression civique constitué de citoyens - se soit dissipée.
Pourtant, sur le plan des idées, le jeune Napolitain ne semble pas en découdre. "Le référendum à la Suisse, c'est une démocratie en adéquation avec son temps", déclarait-il d'ailleurs mardi dans le quotidien Le Temps.
"Ce qui distingue le Mouvement 5 étoiles, c'est qu'il est le siège d'une lutte permanente entre différents courants dont certains à visée conspirationniste", rappelle le professeur Hervé Rayner. "Ces conflits sont donc constitutifs de son identité et en se professionnalisant, il risque de perdre en attractivité. Ce sera tout l'enjeu pour Luigi Di Maio."
Juliette Galeazzi
* Le documentaire "Beppe Grillo - 5 étoiles pour l'Italie" est diffusé dimanche 1er octobre à 21h05 sur RTS Deux