Le 25 août, des groupes rebelles rohingyas revendiquent une série d'attaques meurtrières contre des postes de l'armée birmane. La riposte des militaires est brutale: plus d'un demi-million de civils rohingyas, mais aussi des hindous, ont fui la terreur et s’entassent dans des camps de l'autre côté de la frontière au Bangladesh voisin. Des images satellites montrent des villages entiers ravagés, incendiés, vidés de leurs habitants.
Les Nations unies et plusieurs organisations humanitaires dénoncent "un nettoyage ethnique". Invité dans Géopolitis, le chercheur Olivier Guillard tempère: "Les destructions ne sont pas que le fait des forces gouvernementales, contrairement à ce qui est relayé dans les médias. Les rebelles qui se sont radicalisés sont aussi à l'origine d'une partie non négligeable des violences". L'expert français, qui vient tout juste de rentrer d'un séjour en Birmanie, évoque un "flou considérable" autour de cette "crise humanitaire majeure". Les observateurs et les reporters n'ont pas accès à la zone de crise.
Emergence de l'ARSA
Dans cet embrasement, l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan (ARSA) s'est faite le porte-voix de la cause de la minorité musulmane en Birmanie. "Nous avons découvert un mouvement radical qui revendique des thèses proches d'autres mouvements djihadistes internationaux. L'ARSA revendique un territoire pour la minorité musulmane en Arakan. Une sorte de califat islamique", souligne Olivier Guillard. Pourtant, l'organisation réfute tout lien avec Al-Qaïda ou le groupe Etat islamique.
Les combattants de l'ARSA se sont radicalisés dans des camps de réfugiés au Bangaldesh.
"Ce groupe, relativement jeune, est composé de quelques centaines de combattants, pas tous birmans. La plupart des combattants sont des Rohingyas qui se sont radicalisés dans les camps de réfugiés au Bangladesh", poursuit Olivier Guillard. Et d'ajouter: "Même si l'ARSA le réfute, les services de sécurité indiens et bangladais ont apporté des preuves que l'organisation a des connexions fortes avec certains mouvements islamo-terroristes d'inspiration pakistanaise".
Le silence du prix Nobel
Face à l'exode de plus de 500'000 Rohingyas, la dirigeante birmane et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi a gardé un long silence, confinant au déni de cette tragédie."Si elle parle, elle risque de s'aliéner des acteurs dont elle ne peut se passer en Birmanie: les militaires et une grande partie de son électorat pour qui les Rohingyas sont une minorité insignifiante", explique Olivier Guillard. Est-elle l'otage des militaires? "Oui, les militaires conservent des prérogatives considérables: ils se réservent le quart des sièges dans les deux chambres du Parlement. Le chef des armées ne rend des comptes à personne, ni au Parlement, ni au président, ni à Aung San Suu Kyi".
Dans un pays dominé par la foi bouddhiste et un nationalisme exacerbé, les Rohingyas - issus d'une ancienne immigration indienne et bengalie - sont considérés comme des parias. Une loi de 1982 les privent de la citoyenneté birmane. Ils n'ont pas accès aux soins, à l’éducation, ils n’ont pas le droit de vote.
Mélanie Ohayon
La menace djihadiste en Asie du Sud-Est
En juin dernier, le ministre indonésien de la Défense, à l'instar de ses homologues d'Asie du Sud-Est, s'inquiète de "la menace terroriste dans la région qui atteint un niveau d'urgence sans précédent". Une vingtaine de groupes djihadistes ont déjà prêté allégeance au groupe Etat islamique en Asie du Sud-Est.
Les mouvements islamistes radicaux des Philippines se sont illustrés comme le premier bastion de terrorisme anti-occidental. Le groupe Abou Sayyaf opère au sud du pays, depuis 1995. L'Etat islamique de Lanao, appelé aussi Maute, s'est fait connaître récemment lors de l’insurrection à Marawi sur l’île de Mindanao.
En Malaisie, le Kumpulan Mujahideen Malaysia est souvent associé à la Jemaah Islamiyah en Indonésie. Liée à Al-Qaïda, l'organisation a signé de nombreux attentats, comme celui de Bali en 2002.
En Thaïlande, plusieurs groupes comme le Front de libération national Pattani se sont engagés dans une rébellion séparatiste depuis 2004 dans le sud pays.