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La justice menacée de saturation par les affaires de terrorisme en France

Les personnes interpellées mardi ne sont pas des membres de la famille de feu le djihadiste Mohamed Merah. [AFP - Eric Cabanis]
Depuis l'affaire Merah en mars 2012, le nombre de cas liés au terrorisme augmente de manière exponentielle en France. - [AFP - Eric Cabanis]
Depuis quelques années, la justice antiterroriste française est confrontée à une inflation de dossiers liés à l'islamisme radical et menacée de saturation si de nouveaux moyens ne lui sont pas alloués, craignent des magistrats.

Depuis l'assassinat en mars 2012 de sept personnes dont trois militaires et trois écoliers juifs par Mohammed Merah, dont le frère Abdelkader est jugé depuis début octobre, le nombre de ces dossiers a crû de façon exponentielle.

Au 9 octobre 2017, la justice recensait 621 saisines de la section antiterroriste du parquet de Paris pour faits liés à l'islamisme radical depuis 2012, dont 452 dossiers en cours (235 enquêtes préliminaires et 217 informations judiciaires), selon l'enquête de Reuters.

Hausse exponentielle du nombre de cas

De dix en 2012, ces saisines sont passées à 26 en 2013, 78 en 2014, 135 en 2015, 240 en 2016 et environ 130 sur les trois premiers trimestres de 2017. Sur ces 621 dossiers, 169 ont été clôturés et sont soit en attente de jugement, soit classés.

Au total, ce sont 1431 personnes qui font ou ont fait l'objet d'enquêtes judiciaires, dont 387 mises en examen (253 en détention provisoire et 134 sous contrôle judiciaire).

Les parquets locaux continuent par ailleurs de devoir gérer un afflux de signalements d'individus radicalisés - une quarantaine par mois pour le seul parquet de Bordeaux - qui doivent être évalués avant qu'une suite leur soit donnée.

>> Le bilan chiffré de l'état d'urgence en France :

Bilan chiffré de l’état d’urgence en France
Bilan chiffré de l’état d’urgence en France / Geopolitis / 1 min. / le 22 octobre 2017

Guerre en Syrie, appel de l'EI et état d'urgence

Cette inflation du nombre d'affaires s'explique notamment par l'évolution de la menace terroriste et de sa perception, indissociables de la situation en Syrie et en Irak, où 1800 à 2000 Français se sont rendus depuis 2012, selon les services de renseignement.

Depuis que le groupe Etat islamique (EI) a appelé en 2014 les musulmans à tuer "de n'importe quelle manière" des citoyens de pays comme la France, des actes qui auraient jusque-là été considérés comme relevant du droit commun sont systématiquement soupçonnés de s'inscrire dans cette stratégie de terreur.

L'état d'urgence décrété à la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et la multiplication des opérations de prévention ont aussi eu un effet accélérateur.

reuters/dk

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Sans hausse des effectifs, "on court à la catastrophe"

Face à cette avalanche, le nombre de magistrats de la section antiterroriste du parquet de Paris qui dirigent les enquêtes a été doublé, de sept en 2012 à 14 aujourd'hui. Celui des juges d'instruction spécialisés a été porté à 11 en 2016 et un douzième est attendu en 2018.

"Il n'y a pas rupture mais la question c'est combien de temps ça peut durer", selon Pascal Gastineau, président de l'Association française des magistrats instructeurs. Si les effectifs ne sont pas revus à la hausse, "on court à la catastrophe", ajoute un magistrat du parquet fédéral.

La création éventuelle d'un second pôle antiterroriste dans le sud de la France pour décharger celui de Paris ou au contraire d'un parquet national dédié a été évoquée ces dernières années. Mais ces pistes n'ont pas connu jusqu'ici de développement.