Deux questions principales se posent. La première: y a-t-il eu interférence russe dans l'élection présidentielle de 2016 aux Etats-Unis? Cela semble désormais avéré.
La deuxième: l'équipe de campagne de Donald Trump et la Russie se sont-elle entendues pour tenter d'influencer l'issue du scrutin? C'est précisément ce que l'investigation cherche à déterminer.
Jusqu'à présent, rien ne permettait de l'affirmer. Mais les déclarations de George Papadopoulos, l'un des trois hommes inculpés lundi, pourraient tout changer.
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Les moments clés de l'affaire
- Réunion à la Trump Tower: Une réunion a lieu le 9 juin 2016 à New York entre Paul Manafort, alors directeur de campagne de Donald Trump, le fils aîné du milliardaire Donald Trump Jr, son gendre Jared Kushner, et une avocate russe travaillant pour le compte du Kremlin. On ignore ce qu'ils se disent alors. Ce que l'on sait, c'est que les Américains ont mis sur pied ce rendez-vous, attirés par la promesse d'obtenir des informations compromettantes sur Hillary Clinton.
- Piratages informatiques: Entre juin et novembre 2016, le Parti démocrate et certains de ses membres sont victimes de piratages informatiques. WikiLeaks rend publiques d'importantes quantités de données piratées. Elles révèlent notamment que le parti a favorisé Hillary Clinton au détriment de Bernie Sanders. La publication de milliers d'e-mails de John Podesta, directeur de campagne de la démocrate, fait aussi grand bruit et écorne encore l'image de la candidate.
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- La Russie dans le viseur: Une enquête sur les piratages est ouverte par le FBI en juillet 2016. Le 7 octobre 2016, un mois avant l'élection, le Département de la Sécurité intérieure et la Direction du renseignement national diffusent un communiqué dans lequel ils accusent le gouvernement russe d'être derrière ces interférences destinées à discréditer Hillary Clinton. Le 6 janvier 2017, les agences vont plus loin en évoquant dans un rapport l'implication du président russe Vladimir Poutine.
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- Nomination d'un procureur spécial: En mai 2017, Robert Mueller, un ancien directeur du FBI, est nommé procureur spécial pour reprendre l'enquête, avec des pouvoirs élargis et une indépendance renforcée. C'est le numéro 2 du ministère de la Justice qui le nomme à ce poste et non le ministre. Ce dernier, Jeff Sessions, s'est en effet lui-même récusé dans cette affaire, pour avoir tu ses rencontres avec Sergueï Kisliak, l'ambassadeur russe aux Etats-Unis.
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- Contenus russes sur les réseaux sociaux: cet automne, Google, Facebook et Twitter ont admis que des milliers de contenus sponsorisés par des intérêts russes avaient été postés sur leurs plateformes pendant la campagne américaine. Ces contenus auraient servi à propager de fausses informations et à manipuler l'opinion publique. Dans le cas de Facebook, ce sont près de 80'000 messages politiques qui ont été publiés entre juin 2015 et août 2016 par des acteurs russes. Ces contenus ont été vus par quelque 126 millions d'Américains.
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Plusieurs têtes sont déjà tombées
- Le 13 février 2017, moins d'un mois après l'entrée de Donald Trump à la Maison Blanche, son conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn est forcé à la démission. On apprend qu'il a eu pendant la campagne des discussions avec l'ambassadeur russe aux Etats-Unis Sergueï Kisliak et qu'il a menti au vice-président Mike Pence sur ce sujet.
- Le 9 mai 2017 le directeur du FBI James Comey, qui supervisait l'enquête, est limogé par Donald Trump. Lors d'une audition extraordinaire au Sénat le 8 juin, James Comey déclare avoir subi des pressions de la Maison Blanche.
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- Le 30 octobre 2017, trois membres de l'équipe de campagne de Donald Trump sont mis en accusation par le procureur spécial Robert Mueller. L'ex-directeur de campagne du président Paul Manafort et son associé Richard Gates se voient principalement reprocher des activités non déclarées de lobbyistes en faveur de l'ancien président ukrainien prorusse Viktor Ianoukovitch. Les deux plaident non coupables.
Si cet acte d'inculpation ne suggère pas de collusion entre l'équipe de Donald Trump et la Russie, plusieurs juristes voient dans l'initiative du procureur spécial une manoeuvre visant à inciter Manafort et Gates à coopérer dans le cadre plus large de l'enquête.
- Le troisième homme inculpé par Robert Mueller, George Papadopoulos, est pour sa part le seul à plaider coupable et à accepter de collaborer. Et les révélations de cet ancien conseiller en politique étrangère au sein de l'équipe de campagne pourraient se révéler nettement plus embarrassantes pour Donald Trump.
Selon les documents judiciaires publiés lundi, il reconnaît avoir tenté de cacher au FBI ses contacts répétés, entre mars et août 2016, avec des intermédiaires russes pour trouver "de quoi salir" Hillary Clinton et essayer d'organiser une rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump. C'est la première fois qu'un membre de l'équipe du républicain est impliqué pour des contacts aussi approfondis avec des intermédiaires russes.
Que disent les protagonistes?
- Donald Trump a toujours réfuté une quelconque collusion avec la Russie pour soutenir sa campagne électorale. Le milliardaire dénonce depuis des mois une "chasse aux sorcières" destinée à détourner l'attention des méfaits commis par sa rivale démocrate Hillary Clinton.
Lundi, il a tenté de minimiser la portée des actes d'accusation rendus publics par le procureur spécial. Selon le président américain, les faits reprochés à Paul Manafort se sont produits bien avant qu'il fasse partie de son équipe de campagne. Quant à George Papadopoulos, Donald Trump et son équipe s'efforcent de souligner son rôle "extrêmement limité".
- Le gouvernement russe dément lui aussi. Les accusations d'ingérence russe dans des élections aux Etats-Unis ou en Europe relèvent du "fantasme", a déclaré le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov mardi. Selon lui, il n'y a pas "le moindre début de preuve" d'une telle ingérence.
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- En juillet dernier, le gendre de Donald Trump Jared Kushner a démenti dans un communiqué toute collusion avec la Russie durant la campagne. Il a bien reconnu quatre rencontres avec des contacts russes, dont la fameuse réunion de juin 2016 avec l'avocate russe, mais il a décrit ces contacts comme faisant partie de ses tâches normales.
- Le fils aîné de Donald Trump a reconnu avoir organisé la rencontre de juin 2016 avec l'avocate russe. Selon lui, il était important d'avoir des informations sur "l'aptitude" d'Hillary Clinton à devenir chef de l'Etat. Mais Donald Trump Jr est formel: rien de substantiel n'est sorti de cette réunion, il nie toute tentative d'influencer l'élection.
Pauline Turuban