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Abu Dhabi, dans l'enfer des millions d'ouvriers étrangers exploités

Le Louvre ensablé
Le Louvre ensablé / Mise au point / 11 min. / le 19 novembre 2017
Inauguré en grande pompe, le Louvre Abu Dhabi cache une réalité plus sombre. L'émission Mise au point est allée à la rencontre des ouvriers étrangers, exploités par millions aux Emirats arabes unis dans des conditions alarmantes.

Tapis rouge, ballets de limousines, présence de monarques du Golfe et du président français Emmanuel Macron: l'inauguration le 8 novembre du Louvre Abu Dhabi, premier musée universel du monde arabe, est une affaire d'Etat.

Le musée, et son gigantesque dôme, a été conçu par l'architecte Jean Nouvel. L'édifice a été bâti sur le sable de l'île de Saadiyat à Abu Dhabi, capitale des Emirats arabes unis.

Depuis quinze ans, le pays affiche une croissance insolente, alimentée par les pétrodollars, qui lui permet d'accumuler les tours et les monuments de prestige. Avec trois millions de barils par jour, Abu Dhabi va à nouveau encaisser cette année près de cinquante milliards de dollars.

Huit millions d'ouvriers étrangers

Les multiples constructions sont bâties par des ouvriers étrangers fuyant la misère du sous-continent indien. Ceux-ci constituent 8 des 10 millions d'habitants des Emirats arabes unis.

Qu'en est-il des conditions de travail de ces armées de migrants? Des ouvriers rencontrés par Mise au Point sur un chantier racontent travailler 10 heures par jour, six jours par semaine, pour un peu plus de 100 ou 200 francs par mois.

"Accidents, morts, passeports confisqués"

Mais la réalité serait encore pire. "Nous avons documenté des choses assez atroces. Des accidents, des morts, des passeports qui sont confisqués, des conditions de vie des ouvriers qui sont très mauvaises, des salaires qui sont très faibles. Il faut des autorisations pour changer de travail, pour démissionner, et même pour quitter le pays", explique Ahmed Benchemsi, directeur de la division Moyen-Orient de l'ONG Human Rights Watch.

Aujourd'hui, il n'y a plus personne aux Emirats arabes unis pour dénoncer ces conditions. "La répression de la société civile ces derniers mois est absolument féroce", poursuit Ahmed Benchemsi, qui regrette que les ONG soient "interdites d'entrée aux Emirats pour creuser plus loin ces sujets".

Camps de travailleurs

Des images volées et diffusées sur internet donnent un aperçu de la vie dans les camps où sont hébergés les millions de travailleurs: cuisines sordides, hommes entassés à dix par chambre. De son côté, l'organisme qui gère le développement de l'île de Saadiyat insiste sur le bonheur ouvrier dans un village modèle, avec loisirs pour tous.

Pour le vérifier, Mise au point a demandé la permission de visiter l'endroit, sans jamais l'obtenir. Les journalistes ont tenté de se rendre dans l'une de ces immenses cités dortoirs, qui accueillent 50'000 personnes.

Mais les issues du quartier sont fermées et des murs ceinturent la totalité du périmètre. Lors d'une autre tentative, l'équipe de Mise au point a été interpellée par les services de sécurité pour être interrogés.

>> Lire : Deux journalistes de la RTS arrêtés durant 50h par la police d'Abu Dhabi

Abu Dhabi va payer 520 millions de dollars pour utiliser la marque Le Louvre pendant trente ans. Et compte sur de nombreux visiteurs étrangers.

Serge Enderlin/vtom

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