Fatmata Ouatara vient de Côte d'Ivoire et elle est arrivée en Suisse il y a quelques jours à peine. C'est une femme mûre, mère célibataire de trois enfants, dont un lourdement handicapé. Incapable de subvenir à leurs besoins, elle a quitté Abidjan, la capitale, après avoir payé l'équivalent de 1600 francs suisses à un Nigérien qui lui avait promis qu'elle trouverait du travail en Europe.
Pourtant ce voyage s'est transformé en cauchemar dès sa prise en charge par les passeurs libyens. Ces derniers l'ont fait monter à bord d'un camion bondé, à destination d'Agadez, au Niger. Très rapidement, les gens autour d'elle ont commencé à mourir de déshydratation, les passeurs empoisonnant l'eau à disposition avec du gasoil.
Dans le désert, il y a beaucoup de choses, trop de choses qu'on ne peut même pas dire.
Après avoir gagné la Libye en 4x4, Fatmata Ouatara y est restée un mois dans la ville de Sabratha, au bord de la Méditerranée, d'où partent une grande partie des bateaux à destination de l'Italie.
Elle est restée enfermée dans une maison, avec 250 autres personnes. Vivant et dormant directement sur le sol, elle raconte un séjour où elle subit les parasites des chameaux.
Ca rentre dans tes cheveux, ça rentre ici, même dans le sexe, ça rentre. Quand ça te mord, tu cries, on dirait qu'on veut te tuer.
Fatmata Ouatara raconte aussi une traversée chaotique, passant près de la mort. Elle explique vouloir témoigner pour éviter que d'autres Africains empruntent le chemin, dont elle jure qu'elle ignorait les dangers qui l'attendaient.
Anouk Henry/ebz