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La loi allemande contre le racisme sur les réseaux sociaux menace la satire

Le logo de Facebook. [Keystone - DPA/Arno Burgi]
L'Allemagne cherche à dompter les réseaux sociaux / Tout un monde / 4 min. / le 9 janvier 2018
En Allemagne, une loi entrée en vigueur le 1er janvier impose aux entreprises comme Twitter et Facebook d’effacer dans les 24 heures les messages injurieux ou discriminants sous peine d'une amende très élevée.

La loi allemande est actuellement la plus sévère en Europe, ce qui doit montrer la détermination des Allemands à lutter contre les propos injurieux et ou racistes sur les réseaux sociaux. Depuis le 1er janvier, des amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros menacent Twitter ou Facebook par exemple, si un tweet ou un post "dont le contenu est manifestement passible de poursuites" n’a pas été bloqué dans les 24 heures.

Il suffit qu’une seule personne alerte Twitter sur un message incitant à la haine pour que l’entreprise doive réagir dans les 24 heures, faute de quoi la procédure se met en route et peut déboucher sur ces amendes très importantes.

Un système qui a des limites

Début janvier, une responsable du parti d’extrême droite AfD, Beatrix von Storch a publié un tweet très douteux. Il parlait des demandeurs d’asile musulmans comme "d'une horde de violeurs barbares". Ce message, manifestement raciste, est signalé, Twitter le bloque et suspend temporairement le compte de son auteur.

Jusqu'à ce moment, la loi est efficace. Toutefois, un magazine satirique allemand, Titanic, reprend les termes de ce tweet pour en faire un message ironique, à double sens. Titanic propose à Beatrix von Storch d’autres messages du même genre et donc reprend entre autres l’expression "hordes de violeurs barbares" pour se moquer d’elle, une initiative qui provoque le blocage du compte Twitter de Titanic pour 48 heures.

Dans la foulée, une demi-douzaine d’autres tweets tout aussi sarcastiques, à l’image de l’humour de Titanic, sont bloqués. Des humoristes qui ont également été victimes ces derniers jours d’une application très bureaucratique de cette loi.

Atteinte à la liberté d'expression

Le rédacteur en chef du magazine Titanic, Tim Wolf, critique l'application de la loi: "Manifestement Twitter ne fait pas la différence entre un message réel et sa parodie."

Pour lui, les réseaux sociaux donnent "l'impression qu’ils font du zèle. Ils suppriment encore plus de messages, et le résultat, c’est qu’on retire à un magazine satirique comme le nôtre des possibilités d’expression. C’est une dynamique qui aboutit finalement à la censure".

Un zèle excessif?

Twitter et Facebook n’ont pas du tout envie de payer de fortes amendes, donc elles préfèrent ne pas prendre de risque. De plus, en appliquant cette loi à la lettre, les deux firmes montrent que celle-ci devient complètement absurde.

Lundi, le porte-parole du gouvernement a reconnu à demi-mot que la loi n’était en tout cas pas optimale. Il a déclaré qu’une "évaluation précise en serait faite pour en tirer toutes les conséquences".

Blandine Milcent/ebz

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Vives critiques des partis allemands

Cette loi soi-disant exemplaire est loin de faire l'unanimité parmi les partis politiques allemands. Les Verts se demandent ainsi si des entreprises américaines doivent définir les standards de la liberté d’expression en Allemagne et si une loi allemande peut donner aux géants d’internet le rôle de censeur en Allemagne.

La gauche radicale Die Linke estime elle aussi que ce sont les tribunaux et non les entreprises privées qui doivent décider de ce qui peut être dit ou non publiquement en Allemagne. L'application très bornée de cette loi "piétine tous les fondements de l’état de droit", a dit une responsable de Die Linke.

Les libéraux du FDP ont dénoncé eux une loi ratée, mal fichue, qui doit être remplacée au plus vite. En outre, les détracteurs de ce texte sont tous d’accord pour dire aussi que tout cela donne du grain à moudre aux arguments de l’AfD, qui peut à son tour se présenter comme victime de la censure.