Ville trois fois sainte, Jérusalem cristallise les tensions du conflit israélo-palestinien depuis plusieurs décennies. Elle est aussi un enjeu électoral aux Etats-Unis. Le président Donald Trump avait promis de transférer l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Promesse tenue: le 6 décembre dernier, il a fait appliquer le "Jerusalem Embassy Act", une loi votée par le Congrès en 1995.
Jusqu'alors, ses prédécesseurs avaient utilisé une clause du texte leur permettant de reporter de six mois en six mois ce transfert en fonction de la situation diplomatique. Quels facteurs ont pu influencer le nouveau cap de Donald Trump?
- Son électorat évangélique
Une partie importante de l'électorat de Donald Trump est évangélique. C'est aussi la religion de son vice-président Mike Pence, de même que celle d'un quart de la population américaine.
"Pour les évangéliques, le fait que le peuple juif soit rassemblé sur la Terre promise et y soit souverain (...) est une condition pour le retour du Christ", explique l'expert des conflits israélo-arabes Pascal de Crousaz dans l'émission Géopolitis. "Cette décision était un moyen de leur donner des gages, de leur faire plaisir en quelque sorte, à un moment où Donald Trump était en délicatesse avec l'enquête sur les liens avec la Russie pendant la campagne électorale."
- Un entourage pro-Israélien
Autour de Donald Trump gravite "une frange de la communauté juive américaine, minoritaire, mais qui est proche des thèses du Grand Israël et de la coalition de Benjamin Netanhayou", ajoute l'enseignant à l'Université de Genève.
- Un front uni contre l'Iran
Décréter Jérusalem capitale de l'Etat hébreu montre que Donald Trump a choisi son camp aux côtés d’Israël, mais aussi aux côtés des puissances sunnites au Moyen-Orient. "Plusieurs des poids lourds arabes de la région ont besoin des Etats-Unis face à une lutte qu'ils jugent beaucoup plus existentielle que face à Israël, celle contre l'Iran", poursuit Pascal de Crousaz.
Cette lutte contre le géant iranien fait naître des alliances discrètes, presque contre nature, entre l'Arabie saoudite et Israël, en particulier au niveau du renseignement. L'Iran est considéré comme la plus importante menace par Israël. C’est aussi le principal rival de l’Arabie saoudite au Moyen-Orient. Récemment, le patron de l'armée israélienne Gadi Eizenkot s'est dit prêt à "partager expériences et renseignements avec les pays arabes modérés pour confronter l’Iran, y compris l’Arabie saoudite avec qui nous sommes en total accord, et qui n’a jamais été notre ennemie". Comme dit l’adage: les ennemis de nos ennemis sont nos amis.
Une menace pour la négociation de la paix
"Les Etats-Unis se posent en négociateurs incontournables dans tout effort de paix dans la région. Or, là, Donald Trump prend une décision qui favorise nettement l'un des camps au détriment de l'autre", note Pascal de Crousaz. "Donald Trump veut se montrer en rupture avec les politiciens de Washington qu'il jugent corrompus".
Donald Trump reconnaît de fait l'annexion par Israël de territoires occupés.
Cette décision bafoue aussi les principes fondamentaux du droit international, en ne distinguant pas la partie Ouest et la partie Est de Jérusalem. "Sans accord de paix préalable, Donald Trump saute une étape et reconnaît de fait l'annexion par Israël de territoires occupés (Jérusalem-Est, ndlr)", souligne Pascal de Crousaz. "Il revient sur un principe de base de la sécurité internationale."
Devant les leaders musulmans réunis à Istanbul le 13 décembre dernier, le président palestinien Mahmoud Abbas a affirmé que les Etats-Unis se disqualifiaient en tant que médiateur dans ce conflit: "Donald Trump offre Jérusalem en cadeau au mouvement sioniste. Il l'offre comme s'il offrait une ville américaine des Etats-Unis."
Mélanie Ohayon