A son retour, Alexandre Habay a confié dans l'émission Forum avoir rencontré des discours et des ressentis très différents selon les régions ou les minorités rencontrées.
"J'ai rencontré deux types de population. Il y a ceux qui vivent une nouvelle guerre, qui étaient plus ou moins à l'écart. Par exemple les Kurdes d'Afrine, qui s'étaient émancipés du régime et avaient réussi à créer quelque chose de plus ou moins stable, une espèce d'expérience proto-démocratique."
"Et puis ceux qui s’attendent plutôt à la fin de la guerre, qui pensent qu'elle va se terminer en 2018. Là, dans la deuxième partie de mon voyage, dans la région alaouite, sur la côte, on était vraiment persuadé que c'était l'année de la fin de la guerre et donc, de leur point de vue, de la victoire."
Mais la transition jusqu'à la paix s'annonce compliquée: "C’est vrai que c'est une phase particulière, un peu paradoxale. D'une part, on parle de stabilisation. Il y a moins de régions en guerre ou de kilomètres carrés en guerre. Le groupe Etat islamique (EI) a été pratiquement défait, le régime a repris beaucoup de territoires."
"Et en même temps, il y a des épisodes d'une violence inédite. La Ghouta orientale, la banlieue est de Damas, est bombardée et assiégée par les forces du régime. Idleb, province encore en mains des rebelles et d'une partie des djihadistes, est aussi bombardée. Enfin, il y a les frappes israéliennes sur des installations utilisées par les Iraniens aux portes de Damas et l'offensive turque sur les Kurdes d'Afrine."
"Ainsi, les grandes puissances testent mutuellement leurs limites pour savoir qui va vraiment peser à long terme sur la région. Et même les gens sur place ont du mal à lire le jeu régional actuel."
Les conditions du voyage
"J'étais accompagné d'un fixeur, quelqu'un qui fait la traduction, qui vous aide à organiser le voyage et travaille en coordination constante avec le ministère de l’Information pour des autorisations, par exemple avec l'armée (…) C’est en même temps une aide et une manière de vous contrôler", relate Alexandre Habay.
"Là où j'étais le plus contrôlé en Syrie, c’était à Lattaquié, sur la côte alaouite, où j'étais en permanence accompagné par quatre à cinq officiers des renseignements, parfois davantage."
"Même si les journalistes sont soumis à ces contraintes, je pense qu'il faut y aller, parce que la majorité des Syriens aujourd'hui vivent dans ces zones sous contrôle du régime. Ils ont des histoires à raconter. Et puis il y a les angles morts, les histoires qu'on ne peut pas raconter depuis là-bas. Mais on les raconte ailleurs, dans d'autres moments de l’information, afin d'avoir une couverture assez équilibrée."
Quant à sa propre sécurité, l'envoyé spécial estime s'être senti plus en sécurité sur les routes que lors d'un précédent voyage dix mois plus tôt. "Les gens circulent plus facilement de ville en ville. (...) C'est peut-être aussi ce sentiment que les choses s'acheminent vers une résolution. Mais encore une fois, avec de grosses inconnues et des épilogues qui promettent d’être très violents."