En Turquie, "vous ne savez pas qui sera la prochaine cible, ni pourquoi", témoigne lundi dans le 19h30 Asli Erdogan. L'écrivaine est de passage à Genève à l'occasion du Sommet des droits de l'homme et de la démocratie.
Asli Erdogan, c'est l'histoire d'une écrivaine turque, physicienne de formation, accusée par le pouvoir turc d'un étrange crime: consultante littéraire dans un journal pro-kurde légal; elle est condamnée à quatre mois de prison sans motif, avant d'être relâchée sans explication. Son procès doit reprendre en mars.
Appartement ravagé
"La police est entrée dans mon appartement avec une unité des forces spéciales, une cinquantaine d’hommes. J’étais en short et en T-shirt et ils ont ravagé mon appartement pendant sept heures", se rappelle Asli Erdogan.
J’ai été arrêtée, et je crois que je suis la première écrivaine au monde dans ce cas, pour destruction de l’unité de l’Etat
C’était en août 2016. Elle poursuit: "Puis, ils m’ont détenue 48 heures au poste de police. Et nous n’avons pas été arrêtés pour propagande terroriste. J’ai été arrêtée, et je crois que je suis la première écrivaine au monde dans ce cas, pour destruction de l’unité de l’Etat."
"Entre 100'000 et 150'000" arrestations
Une accusation qui a valu la perpétuité au chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Öcalan. Exilée en Allemagne, Asli Erdogan craint de rentrer dans son pays. Depuis le coup d'Etat manqué d'août 2016, la Turquie est devenue une vaste prison pour journalistes, intellectuels et toute forme d'opposition.
"J’ai vécu la période de la junte militaire, raconte Asli Erdogan. Mais celle-ci est probablement bien pire. Avant, c’était de grosses opérations de répression, mais en mode militaire contre les intellectuels, les écrivains, les gauchistes." Maintenant, c’est "plus capricieux".
Pour Asli Erdogan, la Turquie est aujourd'hui dirigée "par les décrets d'un seul homme", Recep Tayyip Erdogan. Elle estime "entre 100'000 et 150'000" le nombre de personnes arrêtées par le gouvernement turc.
Michel Beuret