Les procureurs américains enquêtent depuis des années sur le pillage du conglomérat pétrolier national Petróleos de Venezuela S.A. (PDVSA), la plus importante source de revenus pour l'économie du pays. Selon un rapport du Parlement vénézuélien, la compagnie pétrolière a détourné plus de 10 milliards de dollars entre 2004 et 2014. Et une partie de l'argent aurait atterri en Suisse, selon le Tages-Anzeiger.
Sur requête américaine, la Suisse a demandé depuis 2014 des documents à une vingtaine de banques locales et bloqué plus de 100 millions de dollars dans deux affaires de corruption concernant PDVSA, a confirmé l'Office fédéral de la justice au quotidien alémanique. Quelque 51 millions ont été transférés aux autorités américaines à la fin de 2016. Dans l'un des cas apparaissent les comptes de Credit Suisse.
Plus de 27 millions de dollars
Au coeur de cette affaire se trouve un groupe de dirigeants du régime socialiste d'Hugo Chavez (de 1999 jusqu'à 2013, année de sa mort), qui aurait versé des millions de pots-de-vin, dont l'argent aurait été transféré sur des comptes suisses.
Parmi eux, Nervis Villalobos Cardenas, vice-ministre de l'Energie jusqu'en 2006, ainsi que quatre autres hauts fonctionnaires. Ils auraient ouvert au moins neuf comptes en Suisse en 2011, dont plusieurs à Credit Suisse, selon l'acte d'accusation américain, rendu public le 12 février. Plus de 27 millions de dollars en pots-de-vin ont ensuite été transférés sur ces comptes jusqu'en 2013.
Aidés par un gestionnaire d'actifs en Suisse
Nervis Villalobos Cardenas a été arrêté à Madrid le 26 octobre 2017, avec trois fonctionnaires de PDVSA. Les procureurs de Houston, où se déroule l'enquête américaine, demandent son extradition. Ils l'ont inculpé, ainsi que les quatre fonctionnaires, pour blanchiment d'argent à grande échelle.
Selon l'acte d'accusation, ces responsables ont bénéficié d'aide en Suisse. C'est un gestionnaire d'actifs, que les enquêteurs américains appellent "Swiss Company A", qui aurait ouvert quatre comptes en Suisse pour Nervis Villalobos Cardenas. Un partenaire de cette compagnie, qui a comparu en tant que "Swiss Banker 1", aurait aidé les hauts-fonctionnaires à inventer de fausses justifications pour les pots-de-vin, tels que des factures pour un travail jamais effectué.
>> Sujet traité dans la revue de presse de La Matinale sur La Première.
fme
"La Suisse est un endroit clé"
"Sur les milliards disparus du Venezuela, une partie importante a atterri à Zurich et à Genève", a affirmé au Tages-Anzeiger le Vénézuélien Martin Rodil, qui travaillait auparavant au Fonds monétaire international. Ce spécialiste de la corruption a aidé un certain nombre d'anciens dirigeants à traiter avec la justice américaine.
Selon lui, cette affaire ne représente que la pointe de l'iceberg. "La Suisse est un endroit clé pour plusieurs de ces opérations", dit-il dans les colonnes du quotidien alémanique. "Je suis sûr que les autorités suisses comprendront tôt ou tard l'étendue de la corruption vénézuélienne."
Les présidents socialistes Hugo Chavez (1999-2013) et Nicolas Maduro (depuis 2013), qui avaient promis de nettoyer la corruption de la classe dirigeante sont aujourd'hui considérés comme étant aussi corrompus comme leurs prédécesseurs. Selon l'indice de Transparency International, le Venezuela est classé 166e sur 180.