"Le piège des Kim, c'est la victoire du temps long des dictatures"

"Il faut lire tout ce qui s'est passé entre les deux Corées comme une manière d'interférer dans les relations entre les Etats-Unis et leurs alliés asiatiques", indique dans Histoire vivante le réalisateur, qui en est à son troisième documentaire sur la Corée du Nord.

Pour cet ancien correspondant en Chine, un basculement géopolitique est en train de se produire en Asie. Les Américains perdent leur pouvoir de dissuasion nucléaire et c'est paradoxalement la grande stabilité du régime nord-coréen qui génère cette brusque aggravation des tensions entre les deux pays.

La Corée du Nord a la bombe nucléaire, aujourd'hui la question ne se pose plus

Servi par un montage nerveux, son documentaire, diffusé dimanche, revient sur soixante ans de relations fébriles entre Pyongyang et Washington, président après président.

Donnant la parole à des acteurs de premier plan, tels que Hans Blix, de l'Agence internationale de l'énergie atomique, William Perry, ex-secrétaire à la Défense des Etats-Unis, ou encore Robert Carlin, expert à la CIA, Anthony Dufour évalue les risques d'un conflit nucléaire. Au micro de la RTS, il fait état d'une "peur" qu'il n'avait pas remarqué lors des tournages précédents.

La carte de l'intimidation

"En silence, tranquillement, les Nord-Coréens ont mis sur pied leurs programmes et ils ont franchi tous les obstacles que personne en Occident ne pensait qu'ils parviendraient à franchir avec le soutien probable de la Russie et peut-être aussi de l'Iran et du Pakistan", analyse le réalisateur qui rappelle que les intentions de Pyongyang n'ont pas changé depuis... 1962.

C'est ce qu'il appelle le piège des Kim, "le piège du temps long des dictatures contre le temps court des démocraties". Grâce à la ténacité de trois générations de leaders qui ont sans cesse joué la carte de l'intimidation, le pays le plus pauvre de la planète - aujourd'hui dirigé par Kim Jong-un - a réussi à s'imposer sur l'échiquier mondial.

Stratégie en suspens

"Pyongyang a un programme nucléaire qui fonctionne, un programme balistique qui a progressé sur les trois ou quatre dernières années de manière invraisemblable. Quoi qu'il arrive, aujourd'hui ou dans quelques mois, on a un pays qui va être capable de toucher n'importe quel endroit sur la planète", détaille Anthony Dufour. "C'est la première fois qu'une dictature est dotée de l'arme nucléaire de manière aussi industrielle. Les Etats-Unis le savent. Toutes les capitales le savent, mais se demandent quoi faire pour stopper ce programme nucléaire".

La réponse pourrait arriver dans les semaines à venir avec la fin des Jeux olympiques et la reprise des exercices militaires entre la Corée du Sud et les Etats-Unis.

Entretien mené par Jean Leclerc

Adaptation web: Juliette Galeazzi

_{* "Le piège des Kim" diffusé dimanche 25 février à 20h50 sur RTS Deux (à revoir pendant 30 jours en ligne)}