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Manon Schick: "Sur la Syrie, on a atteint le summum de la non-réaction"

Manon Schick, mars 2017 [CC - Mapomge]
L'invitée de Romain Clivaz - Manon Schick, directrice d'Amnesty International Suisse / L'invité-e de Romain Clivaz / 10 min. / le 28 février 2018
La directrice de la section suisse d'Amnesty International Manon Schick critique la "faiblesse" des instances internationales face au conflit en Syrie, alors que la situation empire en Ghouta orientale.

"On a atteint le summum de la non-réaction de la communauté internationale", s'alarme Manon Schick, invitée mercredi de La Matinale de la RTS.

"Le Conseil de sécurité a été bloqué pendant des années. Cela va faire sept ans de guerre en Syrie, sept ans que toutes les résolutions sont bloquées. Et dès qu'il y en a une, elle n'est pas appliquée", regrette la directrice de la section suisse d'Amnesty International.

L'organisation non-gouvernementale estime que les bombardements de l’Etat syrien et de son allié russe en Ghouta orientale constituent des crimes de guerre. "C'est une stratégie délibérée du gouvernement syrien et de ses alliés de réduire la population à une situation de terreur, de la déplacer. Contre ce genre de visée politique, il faudrait aujourd'hui une décision forte du Conseil de sécurité. Malheureusement, la Russie fait partie du Conseil de sécurité", tranche Manon Schick.

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"Faiblesse des institutions"

Elle regrette la faiblesse des instances internationales, "aussi faibles que le multilatéralisme, que les Etats qui les composent". Elle reconnaît toutefois que "c'est la seule possibilité qui reste" pour mettre un terme au conflit.

"Il y a une Commission d'enquête internationale, mais qui n'a pas le droit de se rendre en Syrie. Il y a la possibilité que les responsables soient jugés un jour devant la Cour internationale... peut-être dans 10 ou 20 ans! Aujourd'hui, que peut-on faire à part saisir les instances internationales qui sont faites pour mettre un terme à la guerre?", s'interroge-t-elle.

"J'ai le sentiment qu'on a abandonné les Syriens depuis sept ans. On les a laissé aller dans le désastre le plus complet (...). On a laissé passer toutes les lignes rouges, notamment l'utilisation de bombes à sous-munitions ou d'armes chimiques, interdites par le droit international", appuie-t-elle.

>> L'éclairage de l'envoyé spécial Alexandre Habay : Carnet de route de Syrie

Propos recueillis par Romain Clivaz

Adaptation web: Jessica Vial

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"Réseau d'informateurs" sur place

"Depuis quasiment deux ans après le début de la guerre en Syrie, Amnesty ne peut plus aller sur place. Et déjà avant, Bachar al-Assad nous interdisait l'accès au pays", explique Manon Schick. Elle souligne qu'"accéder au terrain est très difficile sans un accompagnement par l'armée ou l'Etat syriens, avec le risque d'être manipulé ou de devoir montrer patte blanche".

Comment établir des faits, alors? Elle assure que l'ONG compte sur un "réseau d'informateurs crédibles". "Il n'a pas fallu attendre la guerre pour avoir des gens qui militent pour les droits humains" en Syrie et y récoltent "des informations qui pourraient aider à traduire en justice" les responsables du conflit.

"Bien sûr il y a des fake news, mais nous avons aussi accès à beaucoup plus d'informations pour documenter ce qui se passe sur le terrain, et davantage la possibilité de les recouper", ajoute-t-elle.