Depuis le massacre de Parkland le 14 février dernier, les étudiants et collégiens se mobilisent dans plusieurs villes des Etats-Unis pour mettre fin aux tueries dans les écoles.
Selon Julian Zelizer, professeur d’histoire et d’affaires publiques à l’Université américaine de Princeton, ce mouvement anti-armes contient un réel potentiel de changement: "La plus grande différence, ici, c’est que les étudiants constituent le visage de la contestation (...) Ce n’est pas la même chose lorsque des adultes ou des groupes anti-armes le font. Voilà qui donne une petite lueur d’espoir pour que, cette fois, le sujet ne finisse par s’évanouir rapidement", a observé l'expert dans l'émission Tout un monde vendredi.
Aujourd'hui, les étudiants constituent le visage de la contestation
En effet, a ajouté l'expert, les jeunes ne se limitent pas à des apparitions dans les médias, mais tentent de mobiliser et de s'organiser: "Ils tiennent des meetings et des rencontres avec la population (...) Ils posent des demandes concrètes plutôt que de simplement parler des choses horribles qui se sont produites à l’intérieur de leur école".
Et de poursuivre: "Certains d’entre eux établissent des contacts avec des organisations davantage établies et des gens qui connaissent bien les processus politiques."
Pression populaire et leadership politique
D'après Julian Zelizer, ces jeunes auraient de quoi réussir là où d'autres ont échoué. "On oublie souvent qu'en 1993 et 1994, le président Bill Clinton avait réussi à faire adopter deux lois importantes: la 'Loi Brady', qui imposait des contrôles d’antécédents à l’achat d’une arme, ainsi qu'une interdiction des fusils d’assaut qui a duré dix ans avant d’expirer. Il n’est pas impossible de légiférer sur les armes à feu", a-t-il expliqué.
Selon lui, une pression populaire associée à un leadership politique - que ce soit des maires, des parlementaires ou du président - peut avoir de l’effet.
"Mais c’est un travail de longue haleine", a-t-il relativisé. "Habituellement, la NRA (le très puissant lobby des armes aux Etats-Unis, ndlr) attend que l’émotion retombe, en espérant que les législateurs ne ressentiront finalement plus le besoin d’agir. Les étudiants doivent donc continuer avec leurs manifestations et leurs efforts même si l’opinion publique passe à autre chose."
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Texte web: hend
L'inspiration des droits civiques
Julian Zelizer compare le mouvement des jeunes opposants aux armes à ceux qui se sont battus pour les droits civiques dans les années 1960. "Ce sont des jeunes qui ont mené une bonne partie du mouvement pour les droits civils. Martin Luther King était leur leader, mais la plupart de ses troupes étaient des universitaires et parfois même des plus jeunes. Ils sont descendus dans la rue, ils ont risqué leur vie et ont fait ce qu'il fallait pour qu'on ne les ignore pas."
Le professeur d’histoire et d’affaires publiques estime que les étudiants doivent s'allier à des organisations mieux organisées: "Ils devront aussi créer quelque chose de plus formel." Une stratégie médiatique efficace est également nécessaire, ajoute-t-il. "Les militants des droits civils avaient compris que l’attention des médias était passagère. Ils avaient donc trouvé des moyens de maintenir l’intérêt des journalistes. Et c’est d’autant plus important aujourd'hui que l’environnement médiatique est plus complexe."