La présidentielle du 18 mars en Russie verra se rendre aux urnes la première vague d'électeurs n'ayant connu aucun autre dirigeant que Vladimir Poutine, au pouvoir depuis août 1999. Rencontre avec ces jeunes, nés entre la fin des années 1990 et l'an 2000, qui constituent la "génération Poutine".
"Génération Poutine" 1
Au QG des jeunes pro-Poutine à Moscou
RTSinfo - Stephen Mossaz
Nicolay, 23 ans, milite en faveur de Vladimir Poutine dans un QG situé à quelques pas de la Place Rouge, à Moscou.
Plus de 200 jeunes bénévoles se relaient dans ces locaux moscovites. Nicolay, lui, s'y rend plus de dix heures par semaine pour gérer la campagne sur internet.
C’est la première fois qu’il va pouvoir élire son président. Etre bénévole aux côtés de Vladimir Poutine lui procure une grande fierté, même si le résultat est joué d’avance.
"Je pense que tout candidat, quelles que soient sa popularité, sa puissance et sa confiance en lui, a besoin d'être soutenu. Je suis donc heureux de pouvoir voter pour Vladimir Poutine et de l'aider concrètement", explique le jeune traducteur-interprète.
Chez ce président qu'il connaît depuis son enfance, Nicolay dit apprécier le fait qu'il respecte sa parole, et sa bonne gestion du pays.
Vladimir Poutine pense à son peuple et garantit une stabilité à la Russie.
"Vladimir Poutine pense à son peuple et garantit une stabilité à la Russie. La situation économique s’est améliorée. Les gens vivent mieux et (...) c’est plus simple pour [les jeunes] de trouver du travail", assure le jeune homme dont les parents sont également pro-Poutine.
La corruption? Nicolay dit n'en avoir jamais entendu parler. Il s'informe via les sites internet et chaînes fédérales d'information, contrôlées par l'Etat.
"Génération Poutine" 2
Chez Set, un collectif de jeunes designers pro-Poutine
RTSinfo - Stephen Mossaz
Set ("le réseau" en russe) est un collectif d'artistes, designers et même journalistes de moins de 30 ans, qui se réunissent dans d'anciens entrepôts transformés en locaux de "co-working" branchés.
Pour leurs créations, l'inspiration centrale est Vladimir Poutine et les valeurs qu'il porte comme la famille traditionnelle ou le patriotisme.
Anton, 19 ans, participe à une "masterclass" sur le journalisme organisée par le collectif Set. Quoique moins militant que Nicolay, cet étudiant en journalisme est tout aussi convaincu par Vladimir Poutine.
Pour moi Vladimir Poutine, c’est la force de l’esprit.
"Pour moi Vladimir Poutine, c’est la force de l’esprit et tout simplement l’homme le plus fort", tranche Anton.
Comme Nicolay, Anton est convaincu que les opportunités sont multiples pour sa génération grâce à la politique menée par Vladimir Poutine.
"Il suffit de travailler plus. Il faut étudier et tout marchera. Cela ne sert à rien d’incriminer quelqu’un d’autre dans tes défaites comme par exemple le pouvoir", estime-t-il.
Pour Anton, le pouvoir en place depuis bientôt 20 ans en Russie laisse une réelle liberté d’expression. Le jeune homme en veut pour preuve l’existence de médias d’opposition, pourtant très minoritaires dans le pays.
Si on ne s’intéresse qu’aux médias alternatifs, on peut se dire que tout va mal en Russie.
Anton jongle entre les différents médias pour se forger son opinion. Selon lui, "si on ne s’intéresse qu’aux [médias alternatifs], on peut se dire que tout va mal en Russie, tandis que si on ne regarde que les chaînes d’Etat, on va croire que tout est idéal. En réalité, ce n’est ni l’un ni l’autre."
Selon des enquêtes, les jeunes comme Anton et Nicolay sont minoritaires en Russie. Les 18-25 ans sont plutôt peu intéressés par la politique et peu motivés à se rendre aux urnes. Mais il s'agit aussi de la tranche d’âge la plus loyale au président actuel.
"Génération Poutine" 3
Une jeunesse contestataire fait aussi entendre sa voix
AFP - Vasily Maximov
Le Kremlin déploie beaucoup d'efforts pour séduire les moins de 30 ans, surtout depuis que plusieurs milliers de jeunes ont participé à des manifestations organisées par l'opposant Alexei Navalny l'année passée.
Le candidat qui dénonce sans relâche la "corruption du pouvoir" a été déclaré inéligible pour cette élection, mais cela n'arrête pas ses jeunes partisans.
Alexandra, 24 ans, milite depuis plusieurs mois pour Alexei Navalny à Yaroslavl, à environ 300 kilomètres au nord-est de Moscou. Longtemps apolitique, cette jeune éditrice indépendante a envie de changement pour son pays.
Aujourd'hui en Russie, on éloigne le peuple du pouvoir.
Elle dit apprécier chez Alexei Navalny sa volonté de redonner le pouvoir au peuple. "Ce qui se passe aujourd'hui en Russie, c'est l'inverse", analyse la jeune femme. "On éloigne le peuple du pouvoir et il n'a pas la possibilité d'avoir une influence."
En Russie, l'Etat contrôle la plupart des médias. Internet reste donc le dernier bastion pour l'opposition, et c'est d'ailleurs sur YouTube qu'Alexandra a découvert Alexei Navalny, dont le nom est banni des principaux médias du pays.
Alexandra et ses amis activistes ont tous participé aux manifestations anti-corruption. Les parents de la jeune femme voient son militantisme d'un mauvais oeil, craignant qu'il ne lui attire des ennuis.
Les jeunes gens eux semblent prêts à courir le risque. Masha, 24 ans, une amie d'Alexandra, estime qu'on ne peut se sentir libre en Russie que si l’on reste dans la norme du pouvoir.
Tu peux être amendé ou emprisonné pour avoir partagé un message sur les réseaux sociaux.
"On nous donne l’illusion que la liberté d’expression existe en Russie, mais il y a un risque que tes paroles, qui à priori ne véhiculent rien de dangereux, soient considérées comme telles par le pouvoir. Tu peux alors être amendé ou emprisonné pour avoir partagé un message sur les réseaux sociaux", explique-t-elle.
Malgré la répression, Alexandra a le sentiment que les jeunes de son pays sont toujours plus critiques à l’égard du pouvoir. Depuis l’éviction d’Alexei Navalny, Alexandra juge les élections du 18 mars illégitimes et appelle au boycott.
Aujourd’hui, sa volonté ainsi que celle des autres militants: que cette "génération Poutine contestataire", encore marginale, continue à prendre de l’ampleur avec l’espoir, un jour, de changer la donne en Russie.