Nous sommes au début du mois de novembre 2017. Face à la place Tiananmen, à Pékin, le président chinois Xi Jinping reçoit Donald Trump. Impressionné par un accueil impérial, le président américain multiplie les compliments envers son hôte. Et ne l’importune pas avec des cas de dissidents, emprisonnées par le régime. Donald Trump est venu en Chine pour parler contrats et balance commerciale.
Xi Jinping a réussi à faire en sorte que personne ne lui pose de questions sur la situation des droits humains
Pour les ONG, les droits humains sont désormais sacrifiés sur l’autel du commerce. "Xi Jinping a réussi à faire passer toutes les questions commerciales au premier plan, à montrer la Chine tel un partenaire comme un autre et à faire en sorte que personne ne lui pose de questions sur la situation des droits humains", affirme Manon Schick, la directrice d'Amnesty International Suisse. Et d'ajouter: "C'est navrant."
Le précédent Jiang Zemin
Une position qu'a également assumée Emmanuel Macron. Lors de sa visite d’Etat en janvier, le président français n'a fait aucune mention publique des prisonniers politiques. Il refuse d’être un donneur de leçons: "Je peux me faire plaisir et donner des leçons à la Chine en parlant à la presse française. Cela s'est beaucoup fait. Ça n'a aucun résultat."
La Suisse aussi évite désormais les sujets qui fâchent. Lorsque Xi Jinping est reçu à Berne avec tous les honneurs l'an dernier quelques jours avant le Forum de Davos, les conseillers fédéraux rivalisent d’amabilité, comme pour effacer le souvenir de la visite houleuse de Jiang Zemin, il y a 19 ans. Excédé par la présence de manifestants sur la place Fédérale et par la fermeté de la conseillère fédérale Ruth Dreifuss sur les droits de l’homme, le responsable chinois avait exprimé sa colère devant le Conseil fédéral: "Aujourd’hui, vous avez perdu un ami", s'était-il exclamé.
La Suisse est un pays dont on attend qu'elle parle de démocratie, de respect des droits humains, de bonne gouvernance
Depuis cet épisode, la Suisse poursuit avec la Chine ce qu’elle appelle un "dialogue sur les droits de l’homme", mais dans un cadre confidentiel. "Ça a toujours été très difficile de parler droits humains, pas seulement avec la Chine, mais avec n'importe quel pays parce qu'ils ont le sentiment qu'on veut leur imposer un modèle", témoigne Micheline Calmy-Rey. Mais la Suisse doit le faire quand même, poursuit l'ancienne conseillère fédérale. "La Suisse est un pays dont on attend qu'elle parle de démocratie, de respect des droits humains, de bonne gouvernance."
Un modèle prospère et autoritaire
Pour les ONG, ce dialogue est vide de résultats. Elles dénoncent une détérioration des droits de l’homme en Chine, malgré l’ouverture économique du pays. "Pourquoi est-ce qu'on est prêt à accepter que la Chine fasse des pas de géant en matière de commerce et de libre-échange et, en même temps, à dire qu'il faut lui laisser du temps sur les droits de l'homme?", se demande Manon Schick. La directrice d'Amnesty International Suisse aimerait que la Chine avance avec la même rapidité sur le plan des droits humains que sur celui du développement économique.
Une exigence abandonnée par les Occidentaux, auxquels la Chine de Xi Jinping a imposé son propre modèle. Prospère mais autoritaire.
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