"La Russie a changé en six ans, particulièrement depuis l'annexion de la Crimée et la glorification des forces militaires russes", estime vendredi dans Tout un monde Masha Alyokhina, l'une des trois militantes du collectif féministe russe, emprisonnée après la prestation à la Cathédrale Saint-Sauveur de Moscou puis amnistiée en 2013 par Vladimir Poutine.
"Beaucoup de Russes ont quitté le pays après 2014 car ils sont déçus. C'est une régression vers la période soviétique des années 70. Notre pays se trouve isolé, comme s'il y avait un nouveau rideau de fer", ajoute-t-elle, en marge du spectacle que les Pussy Riot présentaient jeudi soir à Zurich.
Interrogée sur l'évolution du pouvoir politique russe depuis 2012, Masha Alyokhina est catégorique: "évolution, c'est pas du tout le bon mot pour parler de la présidence Poutine. Nous avons une crise économique, le niveau de pauvreté s'accroît de jour en jour, nous avons des meurtres politiques, des enquêtes criminelles sont lancées contre des milliers de personnes, et de l'émigration..."
"Censure du théâtre politique"
"L'Etat censure le théâtre politique. Quand nous avons voulu monter une pièce sur notre procès, le théâtre a été fermé... et c'est juste un exemple", explique Masha Alyokhina, qui a publié en septembre dernier "Jours d'insurrection", un livre où elle raconte son combat et son parcours.
Elle assure que "des situations comme ça arrivent tout le temps: des enquêtes sont ouvertes pour des postes Facebook, pour des débats, pour des appels sur internet..."
Masha Alyokhina ajoute que "presque toutes les initiatives indépendantes sont maintenant interdites, et cela ne touche pas seulement les artistes, il n'y a quasiment plus d'activiste qui n'ait pas été ciblé par une enquête".
"Pas une élection, une imposture"
Quel regard porte-t-elle sur la campagne pour l'élection présidentielle, qui aura lieu dimanche? "Ce n'est pas une élection, c'est une imposture!", réagit-elle.
Mais elle voit d'un bon oeil "beaucoup de jeunes et d'adolescents protestent dans les rues", malgré le fait que "le pouvoir contrôle presque tous les médias".
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Propos recueillis par Séverine Ambrus
Adaptation web: Jessica Vial