Depuis mars 2013, 9,5 millions de personnes ont déjà été inscrites sur la liste noire du gouvernement, comme Liu Hu, un journaliste chinois de 43 ans, qui a publié une enquête sur la corruption d’un responsable du Parti communiste. "Si j’essaie de réserver une chambre d’hôtel, je suis limité à ceux sans étoiles. Je ne peux pas non plus acheter un billet d'avion. Il y a beaucoup de restrictions à la consommation. Je ne peux pas acheter d’appartement", explique Liu Hu dans La Matinale de vendredi.
"Un crédit social"
Cette liste noire est au cœur du projet de "crédit social" en cours d’élaboration par le gouvernement chinois. Le concept repose sur un système de notation des citoyens. Chacun part avec une réserve de 1000 points ou crédits. Un comportement jugé positif rapporte des points. A l’inverse un comportement négatif fait perdre des points. Au-dessus de 750 crédits, un individu pourrait par exemple bénéficier de baisses d’impôts. Les mauvais élèves se verront en revanche inscrits sur la fameuse liste noire.
Rongcheng, ville pionnière
Le concept sera mis en œuvre en 2020, a répété le gouvernement central lors de son dernier congrès national. Mais plusieurs acteurs privés ont déjà adopté la méthode de notation, à l’image des applications de paiement par mobile, très populaires en Chine. Alipay, l’application du géant Alibaba, a mis en place un système dont elle refuse de dévoiler les critères de notations. L'entreprise ne s’en cache pas, les paramètres vont au-delà de facteurs purement financiers.
La municipalité de Rongcheng est plus transparente. Cette ville de la province du Shandong est une localité expérimentale. Tous ses résidents sont notés selon une grille précise. Dépasser le nombre de naissances autorisées coûte 50 crédits. Joindre un groupe religieux non reconnu fait perdre 100 crédits, véhiculer des informations contre les valeurs du parti équivaut à -150 points.
Opacité du système dénoncée
Rares sont les intellectuels à critiquer ce système. Le sociologue Zhu Dake fait ainsi figure d'exception. Il dénonce l'opacité de la notation, porte ouverte à l'arbitraire, ainsi que le manque de contrôle. "Il n'y a pas de possibilité d'appel, affirme-t-il. Si j'estime avoir été mal noté et que je finis sur une liste noire, je n'ai aucun moyen de contester ma note."
Michael Peuker/lan